Benjamin Polin : comment j’ai battu le record des 100 km de Millau en 6h19′
Benjamin Polin est entré dans la légende des 100 km de Millau en battant le record de la course vieux de plus de trente ans. Un chrono dingue en 6h19’18, soit 3:46/km de moyenne sur 100 km ! Le champion vosgien partage le récit de sa course, un vrai contre-la-montre sur 100 km.
« Veni, vidi, vici. » La célèbre devise de Jules César, Benjamin Polin l’a parfaitement incarnée sur les 100 km de Millau. Le coureur du Pays d’Épinal est venu, a vu… et a vaincu.
Avant même de descendre à Millau, il avait prévenu : il visait le record de Jean-Marc Bellocq (6h28’), établi en 1990. Un chrono que l’on croyait intouchable depuis 35 ans. Mais Benjamin Polin avait ce temps dans les jambes et dans la tête. En
2023, un virus l’avait contraint au forfait sur l’épreuve. Cette fois, il est revenu avec une envie de revanche et une ambition claire : écrire l’histoire.
Le Vosgien, déjà double champion de France du 100 km (2022, 2023), champion de France du marathon (2024, 2025), et 15ᵉ aux derniers Mondiaux de 100 km, nous raconte sa course. Comme dans un rêve, ou presque…
Trois mois avant : début de l’aventure

« La course a, pour moi, vraiment débuté trois mois avant, juste après le semi-marathon du Ventoux début juillet. J’ai super bien récupéré, donc j’ai vite attaqué la préparation. Elle a duré 10 semaines, avec un gros volume (trois semaines à 270-280 km / semaine) mais aussi pas mal de travail de qualité, autour de mes allures semi et marathon.
Chaque semaine, je faisais une sortie longue d’environ 55 km et 1000 m de D+ à l’allure de course visée. Ce qui m’a marqué, c’est qu’à la fin de la première sortie longue, j’étais complètement cuit. Et au bout de 7 ou 8 semaines, j’étais presque frustré de m’arrêter à 55 km, tellement il me restait de l’énergie. Cette progression m’a rassuré. Et je pense que la sagesse de ma copine, qui m’a empêché d’en faire trop (merci à elle), m’a permis d’arriver au top physiquement et mentalement à Millau. »
Un 100 km en forme de contre-la-montre

« Le jour J, les conditions étaient idéales : 5–6°C, pas de vent, une belle journée en perspective. Dès les premiers kilomètres, je fais abstraction de la concurrence. Je me mets direct dans mes allures. Je m’étais préparé pour faire un contre-la-montre de 100 km contre moi-même, donc ça commence dès le km 1.
Pour l’anecdote, je suis 4ème ou 5ème sur les dix premiers km. Je n’ai jamais vraiment accéléré. Sur la première boucle marathon, je passe 2ème. Puis je prends la tête dans la première difficulté du parcours, la montée sous le viaduc. »
Des sensations au top dans les montées
« Dans cette montée, j’ai senti que je volais. Tout semblait facile. Je grimpais tout seul. Et après coup, en regardant les données, j’ai vu que l’allure était vraiment rapide.
À ce moment-là, je réalise que toute la préparation porte ses fruits. Mais je reste calme : on est encore qu’au km 50. Je reste concentré sur mes allures, ma gestuelle, mon attitude. Le profil du parcours aide bien, car il est facile à découper : plat, montée, descente… Ça permet de rester lucide. »
Le déclic au km 70

« Tout semble encore facile au km 70, ce qui est bon signe. Demi-tour pour retourner vers Millau. Les premières vraies difficultés arrivent vers le km 80, mais je me dis qu’il ne reste plus que 20 km. Et 20 km, c’est ce que je fais tous les midis à l’entraînement, même sous la pluie, dans le vent, en pleine fatigue ou en forme.
Je connais cette distance par cœur. 20 km, c’est ce que je fais tous les midis en semaine, qu’il pleuve, qu’il vente, que je sois très fatigué ou en pleine forme. Donc je connais bien la distance et ça fait longtemps qu’elle ne me fait plus peur. Et au vu des sensations, ça va rentrer sans finir par terre. »
Derniers kilomètres magiques

« J’avais tout calculé pour viser 6h28. À chaque point de passage, je vois que j’ai de l’avance sur le chrono historique de Jean-Marc Bellocq. Et je continue à gagner du temps, notamment dans la montée où je suis vraiment solide.
Les derniers kilomètres sont galvanisants. Même avec 98 km dans les jambes, j’arrive encore à accélérer. Je m’autorise à lancer le “sprint” à 2 km de l’arrivée, car à ce moment-là, plus rien ne peut m’arriver. Je gratte encore quelques secondes pour être sûr de passer sous les 6h20.
Chrono final en 6h19’18, nouveau record de la course et deuxième marque française de tous les temps sur 100 km malgré le parcours très vallonné.
Au passage de la ligne, tout retombe : l’émotion, la fierté. C’est très intense et je partage ce beau moment avec ma compagne. Elle qui m’a accompagné sur toute la prépa mais également sur la course en vélo pour me faire l’assistance. Un moment de partage unique et magique. »

Le record de France dans la tête…
« Quel bonheur de voir que la préparation a payé ! Tout s’est déroulé exactement comme je l’avais imaginé, et même en mieux ! C’est super motivant pour la suite. Je me dis que le record de France est largement à portée de main, sur un parcours plat. Mais à mon prochain 100 km, rien n’est sûr que le record de France soit toujours à 6h13…
Pour l’instant, je savoure. Très bientôt ça sera la reprise de l’entraînement sérieux pour les prochains objectifs : la SaintéLyon. »