Benjamin Polin, le champion de France inarrêtable

Benjamin Polin, 29 ans, nouveau champion de France de marathon, double champion de France de 100 km (2022, 2023) a battu récemment record du 100 km de Steenwerck en 6h29′. Rencontre avec ce Spinalien qui borne sévère et carbure à l’envie.

En mars dernier lors du marathon de Saint-Tropez, tu es devenu champion de France de marathon. C’était pour toi, Benjamin Polin…


 Assez inespéré ! Je sentais que j’avais le potentiel pour figurer sur le podium car j’ai bien progressé, je n’avais pas le meilleur chrono d’engagement mais je savais que le parcours vallonné de Saint-Tropez correspondait bien à mon profil. Comme je viens du trail, les montées et descentes, cela ne me fait pas peur, au contraire ! »

Benjamin Polin, 29 ans, nouveau champion de France de marathon, double champion de France de 100 km (2022, 2023) a battu récemment record du 100 km de Steenwerck en 6h29'. Rencontre avec ce Spinalien inarrêtable.
Titre de champion de France de marathon 2024-2025 décroché à Saint-Tropez. ©Jean-Luc Juvin-FFA

Ce championnat de France de marathon, c’était ton objectif numéro 1 ?

« Non, je me suis décidé à participer un peu à l’arrache, un mois et demi avant. Ce n’était qu’une étape dans le but de me qualifier pour les mondiaux de 100 km prévus en décembre en Inde. Les modalités de sélection ont été annoncées tard, en février, par la FFA. Alors je me suis décidé aussi au dernier moment à recourir un 100 km à Steenwerck que j’ai déjà couru l’an dernier. »

Justement sur ce 100 km de Steenwerck où d’ailleurs Marie-Ange Brumelot a signé le record d’Europe (non officiel), tu as aussi cartonné. Record personnel battu (6h35′ l’an dernier) et record de l’épreuve en 6h29′. Raconte-nous…

J’étais donc venu chercher un chrono me permettant d’être sélectionné pour les championnats du Monde. Le ticket d’entrée était à environ 6h40. J’ai bien progressé depuis l’an dernier. À Steenwerck cette année, il n’y avait pas le label national malheureusement. L’objectif que j’avais en tête était de 6h25. Un chrono que je pense à ma portée et m’assurant la sélection. Je me suis retrouvé en tête dès le 1er km. À partir de là, je savais que ça allait être une course solo. Le temps final de 6h29 me va bien. Je pense que cela m’assure la sélection à 99%. Je passe la ligne d’arrivée fatigué mais avec une bonne confiance en ma capacité à gagner encore plusieurs minutes si l’enjeu l’avait demandé. Objectif rempli donc. Maintenant, j’attends début août pour l’annonce officielle de la sélection. »

Le record de France de 100 km de Guillaume Ruel (6h19‘) est dans un coin de tête ?

« Oui, j’y pense. A Steenwerck qui a perdu son label cette année, cela n’aurait pas été possible de toute façon… »

Benjamin Polin, 29 ans, nouveau champion de France de marathon, double champion de France de 100 km (2022, 2023) a battu récemment record du 100 km de Steenwerck en 6h29'. Rencontre avec ce Spinalien inarrêtable.
A l’entraînement, chez lui dans les Vosges. ©Ceramiq

Au fait, comment as-tu commencé à courir Benjamin Polin ?

« Petit, je jouais au foot, je n’étais pas hyper bon techniquement mais j’avais de bonnes capacités d’endurance. L’ambiance m’a fait quitter le foot, je me suis alors mis à courir en solo. Le trail s’est imposé car dans les Vosges où j’habite nous avons beaucoup plus de trails que de courses sur route. J’ai commencé par des petites courses de village avec quelques victoires, plutôt sur des formats de 50 km et 3000 mD+ disons, avec en point d’orgue une CCC en 2019. J’avais terminé 29e, ce qui n’était pas si mal ! »

Traileur à l’origine, tu es donc venu à la route…

« Oui, en 2020, avec le confinement, j’ai fait plus de fractionnés et de séances sur route. On progresse vite sur la route, et c’est challengeant de comparer ses chronos d’une année sur l’autre pour voir jusqu’où on peut aller. Si ma progression continue, je peux envisager de bons chronos dans quelques années, donc patience et travail ! « Je reviendrai sans doute sur le trail un jour. J’aimerai bien par exemple faire l’UTMB une fois dans ma vie, mais dans ce cas, je me connais, je m’y préparerais à 100 % pour figurer le mieux possible. »

Ton premier marathon, c’était où et quand Benjamin Polin ?

« En 2016, au Mont-Saint-Michel, j’avais 21 ans. C’était une super expérience partagée avec mon père. Je visais moins de 3h, j’ai terminé en 3h02’ car j’ai pris le fameux mur… Après, comme j’étais plus axé sur le trail à l’époque, j’ai casé un marathon par an sans que ce soit un objectif prioritaire. En 2017, j’ai couru Annecy en gagnant 10’, puis Metz en 2018, avec la bonne surprise de terminer 2eme, et en 2019. Ensuite, Paris en 2023 où j’ai battu mon record en 2h23’02’’.

Benjamin Polin, 29 ans, nouveau champion de France de marathon, double champion de France de 100 km (2022, 2023) a battu récemment record du 100 km de Steenwerck en 6h29'. Rencontre avec ce Spinalien inarrêtable.
©DR


Tu n’as pas encore couru de marathon très roulant. Quel chrono penses-tu pouvoir réaliser ? 


« Non effectivement, cela ne s’est pas fait pour des questions de calendrier pour l’instant. Sur un parcours optimisé pour la performance, je pense être capable d’un 2h15-2h16’. C’est facile à dire car pour l’instant je ne l’ai pas fait, mais j’en ai très envie. J’espère l’an prochain à Séville, Berlin ou Valence. »

En 2022, tu t’es lancé sur 100 km en décrochant directement le titre de champion de France à Belvès, très fort pour une première ! Qu’est-ce qui t’a décidé à basculer sur l’ultra sur route ?

« Merci ! Lorsque j’ai gagné l’EcoTrail Paris de 80 km en 2021, j’ai senti que ce qui me plaisait c’était de courir longtemps sur des parcours peu techniques. Je laisse guider par l’envie, en cherchant des courses qui ressemblent à ce que j’aime faire à l’entraînement, c’est comme ça que je me suis lancé sur 100 km l’année suivante. »

Quel est le plus beau souvenir de ta jeune carrière de champion ?

« J’en ai deux en tête, forts en émotions. Le premier, c’était ma victoire sur l’EcoTrail Paris, ma première victoire sur un trail à rayonnement national. Je ne me voyais pas du tout gagner donc j’étais très ému. Un autre grand moment, cela été sur le 100 km à Belvès en 2022 car j’ai partagé mon premier titre national avec mon grand frère qui m’avait suivi à vélo toute la course. »

Tu travailles à plein temps comme responsable pour un syndicat départemental d’électricité. Et tu cours énormément, en moyenne 200 km par semaine sur l’année. Comment arrives-tu à concilier les deux au quotidien ?

« Les journées sont intenses et les congés passent dans les entraînements, mais j’ai trouvé mon équilibre donc c’est top. Je commence mon travail à 7h, je cours le midi 1h30 pendant la pause puis je refais une deuxième sortie le soir et rentre vers 19h30. Les soirées sont assez courtes car je dors bien ! »

©Ceramiq

Comment expliques-tu ta progression ces dernières années ?

« Il y a sans doute une part de génétique, car je viens d’une famille sportive. Je suivais souvent mon père à vélo lorsqu’il courait, c’est d’ailleurs ce qui m’a donné envie de m’y mettre aussi. Ensuite, j’ai augmenté le volume petit à petit et mon corps encaisse bien, j’ai aussi mieux structuré mon entraînement et soigné tous les à-côtés (récupération, alimentation, etc). En matière d’endurance, si l’on soigne tous ces paramètres, ce n’est qu’une histoire de patience, on progresse forcément. Je pense que dans deux ans je serai meilleur qu’aujourd’hui et qu’aujourd’hui, je suis meilleur qu’il y a deux ans. Il faut juste laisser le temps agir et faire les choses correctement. »

Benjamin Polin, tu n’as pas d’entraîneur, c’est rare pour un champion. Explique-nous ton choix…

« C’est sans doute parce que je ne viens pas de l’athlétisme. Je ne connaissais pas les clubs, j’ai pris une licence pour r participer aux championnats de France de trail en 2017. Et je n’ai pas de coach car je suis assez attaché à la liberté de m’entraîner comme je veux, à faire ce qui m’amuse, en optimisant le côté performance mais en restant dans le plaisir. Tant que je vois que je ne stagne pas, je continue comme ça, mais peut-être que cela changera… »

Quel conseil donner à coureur qui souhaite se lancer sur marathon ?

« On dit souvent que le chemin est plus important que l’arrivée, c’est assez vraiment sur le marathon je trouve. Même si l’épreuve est un moment fort, qu’on est fier de pouvoir dire « je l’ai fait », on passe 99% de son temps à l’entraînement, alors il faut vraiment aimer s’entraîner et être passionné pour aller chercher sa médaille sans se dégoûter. Le jour du marathon, quelque part, ce n’est que du bonus et s’il y a chrono en plus, alors c’est super. »