Stéphanie Gicquel, l’athlète que rien n’arrête

Stéphanie Gicquel a battu le record de France de 24h sur piste en 249 km lors du Desert Solstice en Arizona, le 15 décembre 2024.

Il y a dix ans, Stéphanie Gicquel devenait la première femme à parcourir l’Antarctique sur 2 045 km en 74 jours. Ex-avocate d’affaires, grande aventurière, conférencière et athlète de haut niveau, cette femme de 42 ans court désormais après le record du monde sur une course de 24 heures. 

Comment cette brindille (1,60 m pour 43 kilos) peut aller si loin, si haut, si fort ? C’est la question que l’on se pose après le dernier exploit de Stéphanie Gicquel. Le 15 décembre, elle a cumulé 249 km en 24 heures en plein désert d’Arizona. Cela représente 623 tours d’une piste de 400 mètres ; six marathons enchaînés à 5’46’’ au km/h… Tout simplement dingue !

Sa performance s’accompagne d’une victoire au scratch et d’un record de France. Le deuxième après celui décroché du championnat d’Europe (253,8 km à Vérone en 2022)…. Une ligne de plus à un palmarès qui donnait déjà le tournis ; une simple étape pour Stéphanie Gicquel.

Le record du monde de 24h dans les jambes

Stéphanie Gicquel a battu le record de France de 24h sur piste en 249 km lors du Desert Solstice en Arizona, le 15 décembre 2024.
© Desert Solstice International Track

Du genre à voir le verre à moitié vide plutôt qu’à moitié plein (soit la possibilité de le remplir), elle se sait capable de courir plus vite encore. Repousser ses limites, atteindre son potentiel maximal pour ressentir une enivrante plénitude, tel est son Everest.

« J’ai l’intime conviction de pouvoir courir plus de 270 kilomètres en 24 heures. Le Désert Solstice Arizona, c’est la course après laquelle je me suis sentie le mieux parce que j’ai été limité par notamment des troubles digestifs et un changement de température assez brutal à la tombée de la nuit » nous raconte-t-elle très simplement.

En ultra-fond, particulièrement au-delà de 13h, rien n’est prévisible. La meilleure préparation du monde, à coup de 30 heures de running par semaine pendant des mois, n’empêche ni les œdèmes, ni les troubles digestifs, son talon d’Achille.

Stéphanie Gicquel retentera donc ce contre-la-montre de folie en deux tours de cadran fin 2025 ou bien en 2026, espérant que la prochaine fois, les facteurs extérieurs soient plus favorables.

« Le sommet n’a de sens que par la pente qui y mène » rappelle-t-elle volontiers. Ainsi va la vie de Stéphanie. Un petit bout de femme à la tête bien pleine, amoureuse de la vie et curieuse de tout. Ses multiples rencontres lui ouvrent de nouveaux possibles. Car à vrai dire rien ne la prédestinait à devenir la coureuse hors norme que l’on connaît.

Stéphanie Gicquel, Mike Horn au féminin

Stéphanie Gicquel fut la première femme à terminer le Marathon du Pôle Nord en 2013.
Stéphanie Gicquel fut la première femme à terminer le Marathon du Pôle Nord en 2013. ©DR

Née près de Carcassonne dans une famille modeste, elle s’est d’abord émancipée en poursuivant des études. HEC puis le barreau. Après dix ans à plaider dans un cabinet parisien – un milieu extrême, nous dit-elle –, elle opère un virage à 180°C vers le sport aventure. Une fois encore rien ne la prédestinait à s’y embarquer, si ce n’est une soif d’explorer le monde.

Première femme à courir un marathon au Pôle Nord par -30°C en 2013, Stéphanie Gicquel a poursuivi ses expéditions polaires en Antarctique en 2015. Sa traversée épique de 2 045 kilomètres en 74 jours à ski, sans voile de traction et par -50°C lui vaut le surnom de « Mike Horn au féminin ».

On lui disait que c’était impossible, elle l’a fait, et reste la seule à ce jour. Quatre ans de préparation méticuleuse en chambre froide notamment, et un mental en titane pour venir à bout de ce défi glacial qu’elle raconte dans le documentaire Née pour explorer (disponible sur France TV).

Et dire qu’elle n’aimait pas courir !

Stéphanie Gicquel fait partie des athlètes de l'équipe de France de 24h.
Stéphanie Gicquel fait partie des athlètes de l’équipe de France de 24h. ©CNEA

Côté course, ses premiers dossards remontent à 2009, avec notamment un semi puis un marathon de Paris. « J’y allais sans entraînement, aux sensations, pour garder du foncier pour préparer mes expéditions. A l’époque, j’étais loin des 3 entraînements hebdomadaires ! » s’amuse l’athlète qui en fait une bonne douzaine désormais.

Le comble, c’est elle n’aimait pas courir. En quête d’excellence, elle cherchait déjà adolescente la difficulté, capable de répéter pendant des heures des figures de gymnastique. Courir ? Trop simple. « Mettre un pied devant l’autre, je me disais que ce n’était pas compliqué. Ce n’est qu’en basculant dans le haut niveau assez récemment que j’ai compris combien le geste de la foulée exigeait de la technique pour aller plus vite et plus loin », détaille-t-elle.

Désormais, elle s’entraîne à l’INSEP tout en se prêtant à de nombreuses études scientifiques afin d’en apprendre sur les leviers de la performance, et les limites du corps humain.

Apprendre à oser

Le corps humain, cette formidable machine capable de s’adapter à bien des contraintes – chaud, froid, manque de sommeil –  pourvu qu’on l’entraîne et qu’on l’écoute.

« On peut tous faire beaucoup de choses. Sans parler de haut niveau, le simple fait de pratiquer une activité physique ou même de se mettre en mouvement dans le quotidien permet de prendre conscience de toutes les parties de son corps, de décrypter les douleurs pour mieux les supporter ensuite » explique-t-elle, avant de nous assurer ne rien avoir d’exceptionnel. A part peut-être cette faculté à ne jamais rien lâcher.

Stéphanie Gicquel a battu le record de France de 24h sur piste en 249 km lors du Desert Solstice en Arizona, le 15 décembre 2024.
Desert Solstice 24h ©HowiStern

En 2021, percutée par une trottinette, elle a subi une fracture de la rotule qui l’a immobilisé pendant des mois. « Les chirurgiens me disaient que je ne pourrai probablement pas reprendre l’ultra-distance. J’ai eu une longue période de rééducation et de ré-athlétisation. L’année suivante, j’ai enchaîné 5 courses de grand fond et d’ultra-fond en 11 mois, toutes à niveau international, ce qui n’avait jamais été fait. Tout ça pour dire que même après un gros obstacle qui peut sembler infranchissable, beaucoup de choses sont possibles » explique-t-elle. Il faut apprendre à oser nous souffle-t-elle. Persévérante donc, d’aucuns diraient résiliente.

Ce printemps, elle comptait courir un marathon, mais en a finalement enchaîné trois, à bon train. 2h55 à Séville en février, 2h53 à Rotterdam n avril et 2h52 à Copenhague, en mai. Sur cette marathon, elle sait avoir une marge de progression, passant toujours en coup de vent sur 42 km. «  J’y viendrai un jour c’est sûr car j’ai envie de ressentir l’effort marathon dont on m’a tant parlé. Et j’aimerai bien dans quelques années devenir l’ultra-fondeuse la plus rapide sur des distances plus courtes », confie-t-elle.

Objectif : un nouveau record sur l’Ultra Marin

Stéphanie Gicquel a remporté trois fois l'Ultra Marin, dont elle détient le record féminin.
Stéphanie Gicquel a remporté trois fois l’Ultra Marin, dont elle détient le record féminin. ©Ultra Marin

Le 27 juin sa frêle silhouette mettra le feu au port de Vannes sur l’Ultra Marin (175 km). Sur les sentiers du Morbihan, elle courra après son propre record (16h33). L’Ultra Marin, c’est sa course de cœur, celle qui lui a fait prendre goût au geste de la foulée. Son objectif cette année est affiché : tenter de passer sous la barre des 15 heures, ce qu’un seul athlète, un homme, a fait jusqu’à présent. Ensuite, on la retrouvera sans doute sur les 100 km de Millau dont elle détient le record féminin en 8h21’.

Sa liste d’envies ne se cantonne pas au sport, loin de là. Également conférencière, notamment auprès de jeunes entrepreneurs, Stéphanie Gicquel d’un seule en scène au théâtre. Elle nous évoque aussi sa passion pour l’écriture. Après Expedition Across Antartica (2015), On naît tous aventuriers (2018) et En mouvement (2021), Stéphanie Gicquel avoue avoir trois ouvrages en cours depuis plusieurs mois. Pour l’instant ses journées sont trop denses pour trouver le temps de les achever. Rien ne presse, une devise la guide : ce que tu fais, fais-le bien.