Mustapha Lhamzi : l’âge n’est qu’un chiffre

Mustapha Lhamzi battu le record de France Master 3 (50-54 ans) du marathon en 2h24’17'' à Séville. Le couronnement d’un parcours atypique.

Mustapha Lhamzi, camarade de club de la championne Anaïs Quemener a battu le record de France de marathon master 3 (50-54 ans) en 2h24’17, à Séville en Espagne. Le couronnement d’un parcours atypique.

Une fois le portique franchi, Mustapha Lhamzi a tenu à tout prix à rester dans l’aire d’arrivée du marathon de Séville. Pas pour profiterdu soleil andalou ou d’une douceur quasi inespérée pour un 18 février. Le coureur originaire de Seine-Saint-Denis trépigne d’impatience à l’idée d’annoncer une bonne nouvelle. Il vient en effet de battre le record de France des masters 3 (50-54 ans) en bouclant les 42,195 km en 2h24’17. C’est 2’19 de mieux que Mohammed El Yamani, son exemple. Quelques minutes plus tard, sa coéquipière Anaïs Quemener bat son record personnel de près de quatre minutes en 2h28’43 et se rapproche des minima olympiques.

Mustapha Lhamzi, camarade de club de la championne Anaïs Quemener a battu le record de France Master 3 (50-54 ans) du marathon en 2h24’17'' à Séville. Le couronnement d’un parcours
Mustapha Lhamzi, avec Anaïs Quemener et Ricardo Andrade, trois coureurs de La Meute Running, à l’arrivée du marathon de Berlin en septembre dernier.

Les deux coureurs de La Meute Running tombent dans les bras l’un de l’autre. Radieux et incrédules. Cette joie récompense de longs mois d’entraînement intensifs, pour l’un comme pour l’autre. La performance d’Anaïs est une source d’inspiration pour de nombreuses femmes atteintes d’un cancer du sein, une maladie qu’elle a combattue en 2015 à l’âge de 24 ans. Son parcours est raconté dans le livre ‘‘Tout ce que je voulais, c’était courir’’, paru début avril chez Flammarion.

L’exploit de Mustapha, lui, est une référence pour les masters, une lueur d’espoir face au temps qui passe, à la vieillesse insidieuse qui gagne du terrain et détériore les chronos au fil de l’eau. Sa devise est d’ailleurs : « L’âge n’est qu’un chiffre ».

Ancien judoka

Mustapha Lhamzi battu le record de France Master 3 (50-54 ans) du marathon en 2h24’17'' à Séville. Le couronnement d’un parcours atypique.
Mustapha Lhamzi à Séville en février dernier, son marathon record en master 3 en 2h24’17 ».

« Si moi j’y suis arrivé, tout le monde peut y arriver. Rien n’est jamais impossible », dit-il avec enthousiasme et une pointe de modestie. Débuter sur marathon en 4h48′ à 34 ans et parvenir à un temps de 2h24′ à 53 ans n’est cependant pas à la portée du premier venu. Cela tient à de nombreux facteurs et à son parcours personnel.

« J’ai débuté la course à pied tardivement, vers l’âge de 30-35 ans car j’ai pratiqué passionnément le judo durant 25 ans à Dugny, ma ville de cœur où j’ai grandi. Durant mon adolescence, mon professeur Jean-Pierre Kammerer m’a donné la chance de ne pas traîner dehors et de canaliser mon énergie. Le judo m’a appris le respect, l’amitié, l’honneur, la sincérité et le courage. Je lui dois beaucoup », explique l’ancien judoka, qui participa à un Championnat de France. Mais arrivé à la trentaine, le sentiment d’avoir fait le tour et les risques accrus de blessure le conduisent à raccrocher son kimono.

Mustapha Lhamzi, coureur après 30 ans

Mustapha Lhamzi battu le record de France Master 3 (50-54 ans) du marathon en 2h24’17'' à Séville. Le couronnement d’un parcours atypique.
Mustapha Lhamzi, sur le marathon de Berlin 2023.

« À partir de 2001, avec un ami d’enfance Franck Hersan, nous avons commencé à courir ensemble et a participé chaque année aux 10 kms de Dugny et de Drancy où j’avoisinais les 43 minutes. Ça m’a mis sur la voie de la course à pied ». En 2005, premier marathon à Paris. « On s’entraînait comme on pouvait, sans Strava, sans montre connectée. Nous faisions trois ou quatre sorties longues par semaine. Le jour J, la deuxième partie de course avait été extrêmement dure mais je n’avais pas jeté l’éponge. Je considérais le fait d’abandonner comme la solution de facilité…». Frustré par cette première expérience, il revient l’année suivante et finit à l’orgueil sous les 4 heures (3h59). Mais jusqu’en 2017, sa pratique, en dilettante, ne lui permet pas de progresser malgré un mental bien au-delà de la moyenne.

Régime et nouveau rythme

« J’avais un travail prenant, aux horaires difficilement compatibles avec une pratique assidue et à haut niveau. Et puis, mon gabarit plutôt carré (1,70 m pour 70 kg) n’aidait pas », précise l’employé du groupe Artémys (acteur majeur sur le marché des technologies de l’information), passé à force d’efforts, d’un BEP de tourneur-fraiseur et d’un emploi de vendeur d’ondulateurs au statut d’ingénieur d’affaires. « En 2017, j’ai suivi le même régime que ma femme Adeline Bozec. J’ai perdu rapidement huit kilos. Ça a été une première étape décisive ».

En 2020, le confinement puis le fort développement du télétravail lui donnent l’occasion de s’organiser différemment et de courir enfin régulièrement et de se découvrir des aptitudes insoupçonnées. « Au début, je courais tout seul, sans eau ni sac à dos, en ignorant tout du fractionné dont je ne percevais pas l’utilité. Il m’arrivait de parcourir la distance d’un marathon à l’entraînement, juste pour me prouver que je pouvais le faire. À cette époque, je n’avais aucun plan d’entraînement. J’avais juste en tête de garder une allure de moins de 4 minutes par kilomètre. Je partais pleine balle et j’essayais de tenir le plus longtemps possible », se souvient-il.

Conquis par La Meute

Mustapha Lhamzi battu le record de France Master 3 (50-54 ans) du marathon en 2h24’17'' à Séville. Le couronnement d’un parcours atypique.
Mustapha Lhamzi, avec Anaïs Quemener et Ricardo Andrade, trois coureurs de La Meute Running, à l’arrivée du marathon de Berlin en septembre dernier.

« C’était du n’importe quoi. Pourtant, un jour, j’ai réalisé 2h48 sur un marathon à l’entraînement…Peu après, sur une de mes sorties longues, j’ai croisé un voisin, Benoit Attard, qui m’a proposé de rejoindre son club : La Meute Running. Sur le coup, j’ai refusé sa proposition. Je m’étais juré que l’US Dugny serait mon seul club. En bonne personne fidèle, je ne voulais pas avoir le sentiment de trahir mon club de judo. Et puis, comme c’est un sport différent et que l’ambiance et les valeurs à La Meute sont excellentes, je me suis laissé tenter ».

Dans ce club créé en août 2020 à Mitry-Mory, il trouve tout ce qui lui manquait jusque-là. « Je peux à la fois partager des instants de ‘‘déconnade’’ et des séances d’entraînements très dures où l’émulation d’un groupe est fondamentale. Comme ce n’est pas un club d’athlétisme mais de course à pied où l’on trouve des marcheurs comme des ultra-traileurs, on partage tous la même passion du fond, à tous les niveaux. Chacun apporte son expérience », loue Mustapha, qui a trouvé dans ce club chaussure à son pied.

Guidé par ‘‘Nono’’

Mustapha Lhamzi battu le record de France Master 3 (50-54 ans) du marathon en 2h24’17'' à Séville. Le couronnement d’un parcours atypique.
Mustapha Lhamzi, à Séville en février dernier.

« J’ai la chance de bénéficier des conseils d’un fabuleux coach qui s’est adapté à mon profil. Jean-Yves Quemener (le papa d’Anaïs, surnommé ‘‘Nono’’) me propose des plans structurés et cohérents et me donne la chance de m’entraîner avec Anaïs (Quemener), Ricardo (Andrade) finisher du dernier marathon de Berlin en 2h27 et Lahcène (Fekih), recordman de France master 3 sur 5 000 m, 10 000 m, 10 km et 20 km et champion de France de sa catégorie sur 10 km à Roanne ». Leur présence constante l’aide à repousser ses limites lorsqu’il effectue des séances de fractionné en côte ou sur la piste de Mitry-Mory, réalise des sorties à allure marathon le long du canal de l’Ourcq ou teste ses allures dans la Parc de la poudrerie.

De 2h48 à 2h24 au marathon

« Je m’entraîne désormais sept fois par semaine et teste des séances biquotidiennes le mardi et le jeudi. Ce type d’entraînement, associé à une bonne hygiène alimentaire et à une hydratation optimale (2 litres d’eau par jour), m’a nettement fait progresser sur marathon ». En deux ans, son record personnel a progressé de 24 minutes : 2h47 à Montpellier, 2h43 à Marrakech, 2h39 à Deauville, 2h34 à Rome, 2h28 à Berlin et 2h24 à Séville. À ce train-là, Mustapha Lhamzi pourrait battre en 2026 le record du monde master 4 (55-59 ans) détenu depuis 1986 par Piet Van Alphen en 2h25’56. Affaire à suivre…