Mohammed El Yamani, au top à 57 ans !

Mohammed El Yamani, 57 ans, vient de boucler le marathon de Valence en 2h26’. C’est le 3e chrono de tous les temps sur marathon dans sa catégorie d’âge. Rencontre avec ce « vétéran » inspirant qui garde la fraîcheur d’un débutant.

Mohammed El Yamani, 57 ans, a couru le marathon de Valence en 2h26'.
Mohammed El Yamani, 57 ans, a couru le marathon de Valence en 2h26′.

« Je ne vois pas mon âge comme un handicap, ni comme une excuse. A l’entraînement, je me donne à fond, comme les plus jeunes. Quand je prends un dossard, c’est pour figurer le mieux possible au classement scratch, et non pas dans ma catégorie ». Voilà qui résume l’état d’esprit de Mohammed El Yamani. Ce master de 57 ans est un compétiteur hors pair. Dans sa catégorie d’âge, au niveau mondial, « Momo » fait partie des meilleurs marathoniens de l’histoire.

2h26′ au marathon

Sur le Marathon de Valence, il a réalisé un chrono impressionnant : 2h26’56’’. Il explose ainsi le record de France des M55 de plus de 10 minutes et réussit le troisième chrono de tous les temps sur la distance dans sa catégorie. « Sans les rafales de vent violent je me serais rapproché davantage du record du monde de la catégorie », confie Mohammed. En octobre dernier, il avait battu le record mondial de la catégorie M55 sur les 20 km de Paris, bouclés en 1h06’12’’. 

Donner le meilleur de soi-même, en toutes circonstances, c’est le mantra de ce régisseur pour les concerts de musique classique. Son talent fait le reste. Lui dit ne rien avoir de plus que les autres. Il s’entraîne juste beaucoup. Environ 170 km par semaine, en optant souvent pour des séances bi-quotidiennes. 

EN BREF. 57 ans, habite Issy-les-Moulineaux, s’entraîne avec la Team Lenglen Running, père de 2 enfants, régisseur pour les concerts de musique classique 
Court depuis 1994, 32 marathons bouclés  Ses records : 2h22’24’’ sur marathon (Berlin, 2001), 1h08’ sur semi (2001), 31’17’’ sur 10 km. Ses 10 marathons les plus rapides : 2h22’24’’ (Berlin, 2001), 2h22’43’’ (Lyon, 2000), 2h23’06’’ (Sénart 2006), 2h24’43’’ (Chicago, 2012), 2h25’09’’ (Lyon, 1999), 2h25’32’’ (Milan, 2010), 2h25’40’’ (Rotterdam, 1999), 2h26’17’’ (Paris, 2007), 2h26’36’’ (Londres, 2017), 2h26’41’’ (Paris, 2009) 

« Moi aussi je dois être capable »

Et dire que son histoire tient du hasard. Non sportif jusqu’à ses 30 ans, il découvre la course en 1994, en lisant dans Libération, le portrait d’un coureur de 62 ans au lendemain des 20 km de Paris : « Je me suis dit, si ce monsieur peut courir 20 km à 62 ans, je dois bien en être capable aussi. Du coup, je me suis inscrit sur un coup de tête au semi de la Voie Royale de Saint-Denis qui avait lieu deux semaines plus tard. J’ai terminé en 1h19’. J’ai mis une semaine à m’en remettre, mais cela m’a ouvert l’appétit », raconte-t-il. Il se jauge ensuite sur 10 km, terminant son premier en 33’32’’. Potentiel confirmé.

Puis il bascule sur marathon, suite à un défi. « Des amis m’ont inscrit à Berlin. Je n’y connaissais rien en préparation marathon. Pour moi, courir, c’était juste se donner à bloc, jusqu’à épuisement. Je n’avais pas idée du temps que j’allais mettre ». 2h34’23’’ pour ce premier 42 km en 1996. Le plus impressionnant, c’est qu’en deux décennies, il n’a pas faibli. Dernier en date, Boston en avril 2019, bouclé en 2h32’11’’. Entre les deux, un record en 2h22’24’(2001).  

Des années qui ne comptent pas

Presque trente ans de passion. Les années s’égrènent sans compter, sans coûter. Temps suspendu. Même chrono, même foulée puissante, même niaque qu’au premier jour. Sa constance chronométrique inédite lui a valu un paquet de trophées dont deux titres nationaux en vétéran 2, à Metz (2014) en 2h29’ (2014) et à Rennes (2015) en 2h28’. En tout, 30 marathons terminés.

Dans le lot, Chicago (2012) reste un souvenir phare, une anecdote qu’il aime raconter : « Je sortais d’une période de multiples blessures. Je n’avais pas couru de marathon depuis 2010 (Milan, 2h25’). A 48 ans, je ne savais pas du tout à quel niveau j’allais revenir. La veille, mon ami Claude Minni, m’a dit ‘Il y a 2 500 dollars à gagner pour le premier vétéran. Tu peux le faire. Si tu gagnes, je te paye le resto’Je lui ai répondu sans trop y croire : ‘Allez, si je gagne, je t’invite au Bristol’. J’ai terminé en 2h24’, premier vétéran. Nous sommes allés au Bristol. C’était une vraie renaissance après deux années difficiles ».

« Marathonite aïgue »

Curieusement, il préfère depuis toujours le chemin qui mène au marathon, c’est-à-dire toute la préparation, plutôt que l’épreuve en elle-même. Sa « marathonite aïgue » le poursuit ainsi à longueur d’année. « Je cours chaque marathon avec le même plaisir que le premier. Je me pose la question de savoir si je serai prêt et j’ai toujours le trac au départ. » avoue-t-il. Et ajoute : « Je me dis aussi depuis quelques années que cela ne pourra pas toujours durer. Le jour où je ne pourrais plus courir de marathon, j’arrêterai la compétition ». Le plus tard possible ! 


Doyen du team Lenglen

Source d’inspiration dans le monde du running, l’homme est une figure bienveillante, jamais avare de conseils. Momo coache bien volontiers – il devrait d’ailleurs passer son diplôme d’entraineur dans les prochains mois – et partage son expérience. On peut dire qu’il a motivé des coureurs par dizaines ! Avec quelques copains, il a créé le team Lenglen, prenant ses distances avec son ancien club, le Plessis Robinson AC.

Sa joyeuse bande s’entraîne autour du Stade Suzanne Lenglen, entre le 15earrondissement de Paris et Issy-les-Moulineaux. Lors des séances au seuil, le doyen tient toujours la dragée haute aux plus jeunes, dans un bel état d’esprit. Voir les copains progresser est toujours une grande satisfaction. 

Quel conseil donner à celui qui souhaite courir un jour un marathon ? « La préparation est longue, en 12 ou 14 semaines, éprouvante et même fatigante.  S’inscrire sur un coup de tête n’est pas sérieux. Il faut en avoir vraiment envie. C’est la clé pour bien vivre son marathon sans le subir. C’est un peu comme l’amour. Quand on termine, on doit avoir envie de recommencer », conclut le champion. On en revient à l’envie, source d’une vie épanouie.