Mathilde Sénéchal, la nouvelle vague du marathon féminin français
Championne de France de marathon 2024, Mathilde Sénéchal incarne la relève de la course à pied féminine en France. De ses débuts à Molineuf à ses récentes victoires sur route, elle trace un parcours singulier entre résilience, haut niveau et réussite universitaire. Portrait d’une athlète complète, à la fois juriste et marathonienne ambitieuse.
Révélée dès 2013 par un titre scolaire UNSS, Mathilde Sénéchal découvre la course à pied à 14 ans. « Mon professeur de sport m’a proposé de rejoindre l’équipe UNSS de mon collège en me voyant suivre les garçons. » Son talent s’affirme rapidement à l’AJ Blois Onzain, où elle est toujours licenciée. À 15 ans, elle devient championne de France scolaire à Caen, signant déjà sa 7e victoire hivernale consécutive en cross.
Avec dix sélections en équipe de France, treize podiums nationaux individuels et deux records de France espoirs, son palmarès s’étoffe. En parallèle, elle poursuit des études de droit exigeantes à Orléans puis Lyon 3. Elle devient la première étudiante de sa faculté à obtenir un aménagement de scolarité pour concilier ses entraînements (jusqu’à 10 par semaine) et ses examens.
Un échec fondateur aux championnats de France de cross

En 2015, aux championnats de France de cross aux Mureaux, elle vit une expérience marquante : « J’étais en tête. Mais à la mi-course, trois filles m’ont dépassée. J’ai senti pour la première fois mes jambes s’alourdir, ma cage thoracique se réduire, le stress m’écraser. » À 200 mètres de l’arrivée, elle s’effondre sur une barrière. Relevée par une coéquipière, elle termine à la 170e place. « J’avais honte. Ce jour aurait pu mettre fin à ma passion, à 17 ans. Mais avec l’aide d’un préparateur mental, cet échec est devenu une force. »
Elle redouble alors d’efforts et décroche les titres de championne de France de cross en 2018 et 2019 chez les espoirs, puis enchaîne les performances sur piste, notamment sur 3 000 m.
De la piste au marathon : virage stratégique

« Cette spécialité m’a bien convenu, à mi-chemin entre les 6 km du cross et les 1 500 m que je courais jusque-là », explique-t-elle à propos de ses débuts sur 3 000 m. Elle devient vice-championne de France cadette en 2015 derrière Cassandre Beaugrand, puis vice-championne d’Europe junior en 2017.
En 2019, elle obtient sa première sélection chez les seniors aux Mondiaux de cross, à seulement 21 ans, après une 10e place à l’Euro de cross et une victoire aux championnats méditerranéens sur 5 000 m. Elle continue d’attirer l’attention des sponsors tout en décrochant sa licence en droit européen.
La pandémie de Covid-19 interrompt sa progression, mais elle rejoint en 2021 le groupe de Bastien Perraux à Lyon pour viser une qualification aux Jeux Olympiques de Paris 2024. « J’ai alors abandonné le 5 000 m pour m’orienter vers le marathon, où la qualification était plus accessible. »
En février 2023, elle dispute son premier marathon à Séville. « J’ai ressenti des douleurs au dos qui révéleront une fracture de fatigue au sacrum. Je ressentais des coups de couteau aux quadriceps à chaque pas. Mais j’ai tout de même terminé en 2h36. » Elle poursuit sur sa lancée avec une 11e place aux Mondiaux universitaires de semi-marathon, avant de tenter le tout pour le tout à Valence, en décembre 2023. « Ma préparation devait m’amener à 2h32. Mais ce fut 2h35. »
Le rebond après Paris

La qualification olympique en poche pour d’autres, Mathilde doit se reconstruire. « Je suis revenue m’entraîner à Blois, tout en débutant en tant que juriste dans un cabinet d’avocats. » Inscrite aux championnats de France de 10 km sans grande attente, elle finit 3e en 33’49, doublant Sarah Hasni dans le dernier kilomètre. Ce podium marque sa relance.
Dans les semaines qui suivent, elle aligne les performances : 3e au Semi de Madrid, 4e au 15 km du Puy-en-Velay, puis victoire au Semi des Sables-d’Olonne, en 1h13’12. « J’ai comblé une minute de retard sur la tête de course pour battre un record vieux de 17 ans. »
Elle souligne l’importance du travail mené avec son compagnon Steven Huet : « Il m’a fait découvrir des exercices de presse unipodale et de renforcement sur chaque jambe. Cette approche de préparation physique générale, couplée à de nouvelles allures sur mes séances spécifiques, m’a été bénéfique. »
Championne de France à Saint-Tropez

Le 30 mars 2024, Mathilde Sénéchal remporte le marathon de Saint-Tropez, support des championnats de France. « Le parcours entre Sainte-Maxime et Cavalaire était très vallonné, avec une alternance de bords de mer, de vignobles, de collines et de garrigue. Ce n’était pas une course à chrono mais une course de gestion. Un profil à mon avantage. »
À mi-course, à Saint-Tropez, elle distance Floriane Hot, double championne du monde des 100 km, puis creuse l’écart dans le col de Collebasse et le redoutable raidillon du boulevard du Littoral. Elle s’impose en 2h37’52, avec plus de trois minutes d’avance. Une victoire stratégique, au sommet d’une saison marquée par le rebond post-Jeux.