L’homme de fer, marathonien exemplaire

En octobre dernier, Nicolas Lacambre terminait son 3eme marathon en moins de 4h. Depuis il a couru six autres marathons.

Nicolas Lacambre, amputé suite à un accident de la route, a fait de son handicap une force, une fierté et une bataille. Ce père de famille de 40 ans, coureur depuis trois ans, courra dix marathons cette année pour promouvoir le handisport.

Nicolas Lacambre, alias l’homme de fer, est un miraculé. Un soir pluvieux de février 2008, sur la départementale 106 reliant le Bassin d’Arcachon à Bordeaux, ce jeune père de 23 ans circule à moto lorsqu’une voiture le fauche. Le chauffard prend la fuite – avec femme et enfants – laissant le motard gisant au sol.

Un ange gardien nommé Pascal Obispo

Nicolas Lacambre au micro accompagné de Pascal Obispo, lors d'une tournée.
Nicolas Lacambre au micro accompagné de Pascal Obispo, lors d’une tournée.

Le chanteur Pascal Obispo, qui roulait derrière, lui porte secours. « Je le lui dois la vie. Il a été héroïque, m’a mis sur le bas côté, a ramassé mon bras arraché et a attendu les secours avant de s’éclipser pour ne pas faire la Une des magazines », raconte Nicolas Lacambre.

Dans un état second, il ne connaîtra l’identité de son ange gardien que plus tard, en allant porter plainte. Sans chercher à le contacter pour ne pas le « déranger », il croise la vedette des mois plus tard lors d’un match des Girondins de Bordeaux.

Depuis, les deux hommes restent amis, l’artiste ayant rendu hommage à celui qu’il a rebaptisé l’homme de fer dans une chanson, « On n’est pas seul sur la Terre ». Ce titre est aussi celui d’un témoignage édité chez Flammarion, où Nicolas raconte cet accident et sa renaissance.

« Y’a toujours pire que soi dans la vie »

Dans On n'est pas seul sur la Terre, Nicolas Lacambre raconte son accident et la naissance qui a suivie.

« Il ne faut pas pleurer, y’a pire toujours pire que soi dans la vie » furent ses premiers mots après trois semaines de coma.

« Je me suis réveillé couvert d’un drap blanc, sanglé sur un lit, avec un respirateur qui m’empêchait de parler. Je ne savais rien de l’état de mon corps amputé d’un bras et d’une jambe. Mais vu les regards terrifiés de mes proches, je savais que c’était grave. Pour qu’ils relativisent, j’ai écrit cette phrase », nous raconte-t-il.

Une vie tournée vers les autres

Ces mots résument la force mentale de Nicolas. Il s’est reconstruit en se battant pour les autres. Il a notamment créé des associations pour les artistes handicapés, facilité l’accès aux stades pour les supporters handicapés des Girondins, soutenu le Téléthon, les Restos du Cœur, et œuvré à l’aménagement des trottoirs et lieux publics à Bordeaux.

« Je suis plus heureux handicapé que lorsque j’étais valide. Après cet accident ma philosophie de vie a changé. Je me suis ouvert aux autres et j’ai découvert un monde incroyable de gens pleins de courage qui se battent contre la maladie et espèrent en grand. Les aider à réaliser leurs rêves m’a permis de me reconstruire, leur énergie me nourrit », témoigne Nicolas Lacambre.

« Un jour, papa recourra » : le défi d’un père courageux

Premier marathon de Paris en 2022.

Jeune sapeur-pompier, ancien champion de France de saut en hauteur, ce sportif ne pouvait pas rester sans se challenger. « En voyant ma fille de deux ans et demi courir dans tous les sens, moi peinant à la suivre en fauteuil, j’ai dit un jour : ‘méfie-toi, un jour papa courra et plus vite que toi’. Je voulais montrer l’image d’un père courageux et que la vie ne s’arrête pas à un accident. »

Seulement voilà, l’appareillage pour tenir debout coûte entre 7 000 et 10 000 euros, somme inaccessible pour ce père désormais sans emploi. Le groupe de prothésistes Lagarrigue, touché par son parcours, lui offre une prothèse Hooper réalisée avec des chutes de carbone d’Airbus.

« Dans le cadre d’Octobre rose en 2021, j’ai pu essayer une prothèse Hooper. Je n’avais pas couru plus de 2 km avec mais j’ai terminé les 7 km de la course le lendemain. Et j’ai enchaîné la semaine suivante avec le 10 km de Bordeaux ! »

Courir pour surmonter le handicap

©DR

Nous l’avions rencontré en octobre dernier après Run in Lyon, son 3eme marathon, son premier en moins de 4h. Il était alors loin de s’imaginer capable de courir deux semis et quatre marathons en deux mois. Ce qu’il a fait ce printemps avec un nouveau record en 3h51’ à la clé. « J’ai augmenté le volume à 5 entraînements par semaine pour plus de 300 kilomètres par mois. C’est beaucoup mais tout se passe bien. Un peu comme si mon corps était devenu plus fort et que je récupérais mieux » raconte-t-il, affichant début mai 1200 km au compteur depuis janvier.

L’homme de fer s’est lancé un défi dingue : courir 10 marathons en 2025. Pour montrer le handicap n’est pas une fatalité. Et que le sport est un formidable vecteur de réussite.

Courir, une thérapie

Nicolas Lacambre a participé au Marathon de Biarritz, début mai. ©DR

Lorsqu’il court, il exulte. Pourtant, les brûlures liées aux frottements répétés sur l’emboîture de sa prothèse ne le quittent jamais. « Lors de mon premier marathon à Paris en 2022, ma cicatrice s’est ouverte au bout de 20 km. J’avais le moignon en sang. J’ai dû faire avec jusqu’à l’arrivée. C’est comme ça à chaque marathon ; j’ai l’habitude, la douleur fait partie de mon quotidien » indique l’athlète qui prend chaque départ excité comme un gamin un 14 juillet.

Les endorphines prennent le dessus et les encouragements compensent largement. Courir, c’est sa thérapie. « J’ai mis dix ans à quitter la sphère hospitalière après trois opérations et des staphylocoques à répétition. Depuis que je cours, je surmonte mieux mes douleurs. En deux ans, je suis passé 14 antidouleurs par jour à trois. », raconte le coureur d’Andernos.

Comme un héros Marvel

Ambiance exceptionnelle sur le Marathon de Luxembourg – fin mai. ©DR

L’autre vertu du sport, c’est de faire tomber les barrières. « Dans un peloton, je cours parmi les valides. Il n’y a pas le regard de pitié que l’on peut ressentir au quotidien en tant qu’handicapé. Avec ma lame de course, je suis un peu comme un héros Marvel. Je ne fais pas 50 mètres sans que l’on m’encourage. »

«Cette énergie et cette bienveillance, c’est énorme. Je la transmets à mon tour quand je croise des coureurs au bout leur vie. Je leur tape sur l’épaule, on repart ensemble. Si des personnes peuvent s’inspirer de mon parcours pour se donner du courage, cela me va bien. Je veux donner une belle image du handicap » témoigne le marathonien qui partage ses courses sur son compte @l’homme de fer.

Un rêve de Marathon des Sables

Après Luxembourg fin mai et Caen début mi-juin, quatre autres marathons suivront cet automne. Dans le lot, sans doute Lyon qui lui avait fait forte impression l’an dernier, mais aussi les Villages du Cap Ferret, son marathon de cœur.

Pour la suite, Nicolas Lacambre rêve de courir le Marathon des Sables. Une performance qui pourrait s’inscrire Guinness Book s’esquisse également. Le coureur souhaite en effet courir un non-stop pour soutenir l’association Oz’Moov, qui finance l’achat de lames et organise des expéditions handi/valide.

Rien n’arrêtera ce semeur d’espoir. Trop heureux de voir chaque matin le sourire de ses enfants. Bien décidé à repousser le champ des possibles.