Courir moins pour courir mieux, plus vite et plus longtemps : la méthode d’Erik Clavery
Le champion Erik Clavery détaille sa méthode d’entraînement dans L’Ultra-endurance autrement. Un livre passionnant qui invite à (re)penser son entraînement à 360° en vue d’un ultra-trail notamment.
Erik Clavery, ce n’est pas n’importe qui. Champion du monde de trail en 2011, 4e et 6e de la Diagonale des fous, 6e et 8e de l’UTMB, recordman de France sur 24h, recordman du GR10…
Ce Nantais affiche un palmarès long comme le bras qui s’allonge un peu plus chaque saison. Ce printemps, il vient de boucler une folle traversée le long du canal de Nantes à Brest en 364 km et moins de 46 heures.
Se préserver à l’entraînement pour mieux se dépasser
On retrouvera cet été sur les sentiers corses du Restonica Trail avant une sixième Diagonale des Fous en octobre. Et la suite est déjà écrite. Pour les quatre prochaines années…
En 2024, ce sera le GR34 (2 200 km) en Bretagne en mode record. En 2025, la Via Alpina (2 600 km et 150 000 mD+) de Slovénie à Monaco. Tout cela devrait l’amener d’ici quatre ans au Pacific Crest Trail aux États-Unis, un non-stop sur un sentier long de 4 200 km qu’il compte boucler en 50 jours.
Voila pour (re)situer le bonhomme. S’il cumule les défis à rallonge, Erik Clavery borne pourtant peu à l’entrainement. Il court en moyenne 59 km par semaine sur l’année. En préparation d’un ultra-trail, le volume grimpe à maximum 90 km. A côté, il roule beaucoup, environ 300 km de vélo par semaine, il ne faut pas rêver…
Son livre, L’Ultra-endurance autrement (Editions Mons) croise son expérience avec les connaissances de son ami Pascal Balducci, entraîneur et chercheur, hélas emporté par un cancer il y a quelques mois.
Leur approche privilégie la qualité à la quantité. Le principe clé est se préserver à l’entraînement afin d’arriver le plus frais possible sur son objectif, tout en ayant développé ses compétences pour être performant. Voici quelques uns de leurs conseils.
Cibler sa préparation en fonction de son objectif
Priorité numéro 1 : développer son potentiel par rapport à l’objectif visé. En matière d’ultra-trail par exemple, chaque épreuve a ses spécificités. L’UTMB n’a pas grand chose de commun avec l’Ultra Marin ni la Diagonale des Fous.
Dans un premier temps, il faudra se questionner sur les spécificités à travailler pour réussir son défi. Par exemple, de la puissance pour encaisser les montées, de l’endurance et de la force pour enchaîner l’effort long en montagne, de l’entraînement en nocturne en vue d’un ultra-trail. Ensuite, ce travail passera par des entraînements ciblés.
Varier au maximum ses allures à l’entraînement
Non un ultra ne se prépare pas en faisant uniquement des sorties de footing à allure cible insiste Erik Clavery. On dit d’ailleurs souvent que pour être en aisance sur du long, il faut savoir aller vite sur du court. En la matière, la méthode polarisée a fait ses preuves. Il s’agit de répartir son volume hebdomadaire avec 80 % de travail en endurance et 20% en intensité.
En vue d’un ultra-trail par exemple, sur ce volet intensité (soit une à deux séances par semaine), on ne se contentera pas de seuil et de VMA comme on le fait sur la route. La clé sera d’intégrer un travail spécifique à l’objectif avec de l’intensité en montée (PMA), de la VMA sur des efforts courts comme du seuil sur des efforts plus longs.
Quelques exemples : des répétitions de montées de 100 mD+ ou sur des 45’’ couplées avec de temps en temps des 12 à 15 x 400 mètres sur du plat, travail qui reste important pour un ultra-trail. Le tout sur un bon socle d’endurance que l’on effectuera pas essentiellement en courant.
Miser sur l’entraînement croisé
Intégrer un autre sport dans sa préparation ne présente que des avantages. D’abord, on s’évite la monotonie, ennemi numéro 1 de la performance. Mais on se préserve également des traumatismes liés aux impacts générés par la course à pied. Ainsi Erik Clavery qui habite en plaine, repartit son volume horaire pour moitié entre vélo et course.
En pédalant, il développe endurance pure et endurance de force. Ses séances de course à pied se concentrent sur du travail spécifique, avec des séances d’intensité, mais aussi de la gestion d’allure, de l’alimentation, du travail de biomécanique de foulée, tout cela en limitant les sorties longues. En préparation d’un ultra de 170 km, ses sorties longues n’excèdent jamais 2h30, sauf lors de week-ends chocs…
Placer des courses de préparation et/ou des week-end chocs
Ces courses préparatoires sont primordiales en préparation d’un ultra-trail. Elles se disputeront dans un environnement similaire à l’objectif visé. Pour préparer un UTMB, on peut par exemple prévoir deux courses de 40 à 60 km en montagne pour développer son endurance sur 5 ou 6 h en conditions de course.
Autre possibilité, le week-end choc. Il faut le prévoir au plus tard un mois avant son objectif, dans la limite de 2 ou 3 au fil de sa préparation. Le traileur de plaine qui prépare un ultra en montagne ira en montagne pour faire du volume et du dénivelé, mais pas que.
Qu’est qu’un bon week-end choc ? Un week-end choc ciblé associant volume, dénivelé et travail spécifique. Pour préparer un ultra en montagne par exemple, cela donnera : Vendredi soir : footing de 2h en semi-nocturne ou nocturne en montagne, pour s’habituer à cet environnement. Samedi : une sortie de seuil ascensionnelle avec 4-5 répétitions de montées de 200-300 mD+ le matin puis une sortie d’environ 20 km sur les sentiers l’après-midi. Dimanche : une dernière séance d’endurance de 5 à 6 heures en montagne.
Entraîner son mental, c’est essentiel pour Erik Clavery
Avoir un bon mental n’est pas inné. Cela s’acquiert avec des outils de préparation mentale qui devront d’être répétés pour être maitrisés le jour J. Erik Clavery, spécialiste en la matière recourt à l’imagerie mentale. Cette technique permet de se projeter pour mieux appréhender son objectif. Elle permettra aussi de faire face à des imprévus le jour de son objectif en prenant les dispositions bénéfiques à l’instant T, dans un moment pas forcément approprié au jugement.
La visualisation du parcours sera également essentielle (via Google Earth ou les profils des course) pour anticiper les difficultés et mettre en place sa stratégie d’alimentation par la même occasion.
Parallèlement, on se construira une bibliothèque d’émotions positives et d’ancrages positifs dans lequel on piochera dans l’action pour switcher en mode positif après s’être dit « mais qu’est-ce-que je fous là ? ».
En somme, vous l’aurez compris la réussite d’un ultra-trail ne passe pas que par la préparation physique. Le volet mental est essentiel, tout comme l’aspect matériel et bien sûr, la stratégie nutritionnelle.