Entrainement polarisé, pyramidal, seuil : quelle est la meilleure méthode ?

L'entraînement polarisé qui répartit le volume entre endurance fondamentale (80% du temps) et zone 3 (20% du temps) n'est pas forcément la panacée si vous êtes un coureur confirmé.

L’entraînement polarisé qui répartit le volume en deux zones d’intensité opposées, une basse autour de l’endurance fondamentale (80%), et une haute autour de la VMA (20%) est largement plébiscité. Mais d’autres méthodes élargissent la palette d’allures…

Pour progresser, « borner » c’est-à-dire faire du volume est une chose, mais cibler les bonnes allures en est une autre, souvent délicate à mettre en pratique. Le coureur amateur se cantonne aux mêmes allures, souvent trop rapides d’ailleurs, par manque d’encadrement.

C’est pourtant en variant les allures (ou zones de travail) que l’on peut s’améliorer à court, moyen et long terme. Il n’existe bien évidemment pas de recette universelle, qui fonctionne à tous les coups sur tout le monde. Ce serait trop simple. Mais pour résumer, on peut dire qu’il existe trois grandes méthodes pour s’entraîner. Nous allons voir que chacune à ses avantages et ses inconvénients.

En résumé… L’entraînement peut s’articuler de 3 manières en ciblant 2 ou 3 zones d’intensité dans des ratios différents. L’entraînement polarisé : 80% du volume hebdomadaire en zone 1, 20 % en zone 3. L’entraînement pyramidal: 70% du volume hebdomadaire en zone 1 / 20 % du volume en zone 2 / 10% du volume en zone 3. L’entraînement au seuil: 20 à 50 % du volume en zone 2.

Entraînement polarisé = progrès assuré 

L'entraînement polarisé qui répartit le volume entre endurance fondamentale (80% du temps) et zone 3 (20% du temps) n'est pas forcément la panacée si vous êtes un coureur confirmé.
L’entraînement polarisé qui répartit le volume entre endurance fondamentale (80% du temps) et zone 3 (20% du temps) n’est pas forcément la panacée si vous êtes un coureur confirmé.

Commençons par la méthode phare, plébiscitée en France par une grande majorité de coachs. Cet entraînement polarisé, popularisé par les triathlètes notamment est né d’un constat. Trop courir à allure course (zone 2 ou seuil) provoque un très fort impact sur la fatigue du système nerveux autonome. Du coup, cette méthode évite cette zone 2. Et elle s’axe sur les deux autres zones d’intensité opposées.

L’intensité basse de la zone 1 compte pour environ 80% du volume hebdomadaire. Et l’intensité haute ou zone 3, proche de la vitesse maximale aérobie (VMA) pour les 20 % restants.

Pourquoi cela marche ? « C’est prouvé : les adaptations physiologiques sont grandes à haute et basse intensité, ce sont les deux zones les plus efficaces pour progresser en course à pied », explique Guillaume Adam, entraîneur et fondateur de l’application Run Motion Coach. « Courir à basse intensité, cela muscle cœur, développe les capillaires, petits vaisseaux qui transportent l’oxygène au sein de muscles. Courir à haute intensité, cela stimule le système cardio respiratoire, développe le VO2 max. Allier les deux, c’est donc très efficace ».

Se construire des bases solides avec l’endurance fondamentale

En effet, consacrer la majorité de son volume d’entraînement à la fameuse endurance fondamentale permet de se construire des bases solides. C’est valable lorsque l’on débute en course à pied, mais pas seulement !

« Le coureur amateur, quel que soit son profil, a la fâcheuse tendance à courir trop vite. Privilégier une allure lente est souvent gage de gros progrès. Il est difficile de faire comprendre à des marathoniens qui stagnent que courir plus lentement leur sera bénéfique. Mais c’est justement l’intensité faible va permettre de bien récupérer des entrainements. Et c’est souvent grâce cette allure très tranquille travaillée à l’entraînement que les chronos s’améliorent ensuite en compétition. J’ai vu des coureurs gagner 10 minutes sur marathon en s’entraînant ainsi ! », détaille le coach.

3 zones clés. Zone 1 = faible intensité ou endurance fondamentale. Vos repères : de 55 à 70 % de VMA ou de 65 à 75% de la FCMax. Si vous n’utilisez pas de cardio et ne connaissez pas votre VMA, c’est une allure qui permet de tenir une conversation. Zone 2 – intensité moyenne ou seuil. Vos repères : de 80 à 85% de VMA ou 85 à 90 % de FCM. Correspond aux allures marathon et semi-marathon. Zone 3 – haute intensité ou VMA. Vos repères : de 85 à 105% VMA ou 90 à 100% de FCM. Correspond aux allures 10 km et 5 km. Se travaille dans la majorité des cas sous forme d’entrainement fractionné.

Diversifier davantage les allures, c’est nécessaire si l’on s’entraîne plus de 4 fois par semaine

L'entraînement polarisé qui répartit le volume entre endurance fondamentale (80% du temps) et zone 3 (20% du temps) n'est pas forcément la panacée si vous êtes un coureur confirmé.

Cet entraînement polarisé serait-il donc la panacée ? Pas forcément car son principal défaut, c’est que cette méthode élude une zone de travail, la zone 2 donc. En réalité, elle sera plus ou moins appropriée en fonction de la fréquence d’entraînement.

Vous courez 3 fois par semaine ? Deux sorties en endurance fondamentale et une séance de VMA (avec échauffement en endurance fondamentale bien sûr), c’est le top. 4 entraînements par semaine ? Alors 3 sorties en endurance fondamentale et 1 séance de VMA, c’est bien.

Ou mieux encore ; 2 sorties en endurance fondamentale, 1 séance de VMA et 1 séance en Endurance Active. Cette allure un peu plus soutenue que l’endurance fondamentale (autour de 70% et 75% de la VMA) est toujours intéressante à développer explique Guillaume Adam.

Ensuite, au-delà de 5 entraînements par semaine, l’entraineur recommande d’élargir sa palette d’allures en courant un peu dans la zone du milieu, grande oubliée de cet entraînement polarisé.

Entraînement au seuil : plus risqué

Cette zone du milieu ou zone 2, c’est le fameux seuil, le « tempo run » comme disent les Anglo-saxons. En Angleterre et aux Etats-Unis, le seuil a davantage la cote que chez nous. L’allure seuil se situe entre l’allure semi-marathon et l’allure 10 km, soit une vitesse que l’on pourrait tenir entre 50’ et 1h en fonction de son niveau. C’est une séance où l’on va vite, entre le footing facile et le fractionné intense.

Dans sa définition stricte, cette notion de seuil est liée aux seuils lactiques (ou seuils ventilatoires) que l’on évalue en faisant un test d’effort en laboratoire. C’est une zone située entre le seuil aérobie (seuil 1) et anaérobie (seuil 2). L’idée est « de décaler la courbe vers la droite » comme disent les entraîneurs. En gros, plus on est bon et performant, plus le seuil se rapproche de la VMA.

Les adeptes de l’entraînement au seuil passent en moyenne 20% de leur volume hebdomadaire à cette allure située autour de 80% de la VMA.

Des « tempo runs » à l’anglosaxone

Certains coureurs expérimentés effectuent même quasiment la moitié de leur volume à cette allure ! « Cette méthode privilégiant le seuil est très pratiquée dans les universités américaines notamment. Cela permet de former les athlètes de manière rapide. Faire que du seuil, du moins beaucoup de seuil, permet de progresse vite, c’est indéniable.

Mais cela amène ensuite à stagner, à régresser ou pire à se blesser. Car on manque alors des fondations solides que l’on développe avec l’endurance fondamentale. Pour résumer, c’est une méthode plus tranchée et bien plus risquée que l’entraînement polarisé. Elle peut marcher en fonction des athlètes mais il faut savoir que c’est un peu du quitte ou double », explique Guillaume Adam.

Entrainement pyramidal : plus spécifique   

L'entraînement polarisé qui répartit le volume entre endurance fondamentale (80% du temps) et zone 3 (20% du temps) n'est pas forcément la panacée si vous êtes un coureur confirmé.

Moins populaire, un autre modèle existe pour les disciplines d’endurance, il s’agit de l’entraînement pyramidal. Il consiste à réaliser une part importante de son entraînement à basse intensité (70%) mais cette fois avec un volume accentué en zone 2 (20%), puis une plus faible proportion à haute intensité en zone 3 (10 %).

Sur le papier, cela paraît plus équilibré que la version polarisée, puisque l’on travaille trois zones au lieu de deux. Mais en y regardant de plus près, avec le schéma pyramidal, on se rend compte que l’on passe moins de temps dans la zone 3. La zone des fameuses séances de fractionnés proches de la VMA, indispensable pour progresser.

Maintenir un minimum de travail au seuil

« En effet, avec un entraînement polarisé, on consacre la majorité de son temps à un travail à faible intensité mais on augmente son travail à haute intensité, 20% vs 10% avec l’entraînement pyramidal. » nous explique Jean-Claude Le Cornec, entraîneur.

Qui ajoute : « même si l’entraînement polarisé a fait ses preuves, il est important de maintenir un minimum de travail en zone, sachant que le travail à cette allure ne sera efficace que si le temps cumulé qu’on y consacré sur une séance est de 25 à 30 minutes ou plus suivant le niveau. 

Autour de 75 – 80% (85% pour le coureur confirmé) de la VMA, cela correspond par exemple à l’allure spécifique marathon. Et réaliser des sorties à cette allure cible pendant sa préparation servira de test indispensable. Ces séances à allure spécifique qui permettent « d’imprimer » votre allure marathon. Il est en effet toujours intéressant de confronter votre organisme à l’entraînement à cet effort que vous allez devoir accomplir le jour J », détaille ce coach.

Ainsi, ce schéma pyramidal correspond plus à une préparation marathon. On y travaillera régulièrement l’allure marathon (zone 2), plutôt que le fractionné court, qui a moins d’intérêt en vue de préparer cette distance.

Jean-Claude Le Cornec précise toutefois : pour effectuer ce type de séance, un développement de la VMA aura été effectué en amont.

Alors quelle meilleure méthode ?

Nous l’avons vu, pas de méthode universelle donc. Tout est question d’équilibre, comme beaucoup de choses dans la vie. L’idéal serait un mix de toutes les allures, évidemment en s’appuyant sur un coach pour adapter vos vitesses et séances en fonction de vos forces et faiblesses, de vos objectifs et de votre forme du moment.  

Mais dans tous les cas, il peut être judicieux de « jongler » entre ces trois modèles, d’une année sur l’autre, d’une saison sur l’autre, voire au sein même d’une saison, en fonction des objectifs visés. On peut ainsi modifier le ratio 80% zone 1 -20% zone 3 de la méthode polarisée en diminuant le travail en zone 3 mais en augmentant les intensités (les allures) correspondant à cette zone 3. Vous maintiendrez ou diminuerez alors légèrement le temps consacré à la zone 1.

Testez par exemple les ratios réajustés suivants : 75 % en zone 1 – 5 % en zone 2 – 20 % en zone 3 ou 80 % en zone 1 – 5% en zone 2 – 15 % en zone 3. A l’approche de la compétition, en période d’affûtage, il est possible de répartir ses séances comme suit : 70 % en zone 1 – 20 % en zone 2 – 10 % en zone 3, avec un volume global d’entraînement réduit de 30 %. Gardez aussi en tête que l’entraînement à l’approche de la compétition consistera à établir un bon équilibre entre volume et intensité. Pour cela vous devrez « coller » au plus près à la vitesse de votre objectif tout en gardant la base de l’entrainement à faible intensité.

S’offrir un second souffle

Si vos performances stagnaient ces derniers temps, varier ainsi davantage les allures pourra vous redonner un second souffle. Modifier un peu le curseur dans les zones 2 et 3 ne pourra qu’introduire un peu plus de variété et vous éviter la monotonie d’une allure très routinière. D’autant que, plus vous maitriserez différentes allures à l’entraînement, plus vous serez efficace en compétition.

Mais attention, on le répète pour finir : l’endurance reste fondamentale. Cette allure tranquille, c’est le socle de votre entrainement, le gage de votre longévité en course à pied. Adoptez-la pour les footings de récupération, les sorties longues comme les échauffements précédant vos séances de fractionné.