Mattéo Ruberti, la flamme de l’espoir

Mattéo Ruberti est le premier sportif autiste qualifié pour les Mondiaux d’Half-Ironman avec les valides et à prétendre à la Six Star.

Porteur de la flamme olympique, Mattéo Ruberti est le premier sportif autiste qualifié pour les Mondiaux d’Half-Ironman avec les valides et à prétendre à la Six Star.

Samedi 22 juin entre 12h et 12h40, sur le trajet menant de la Chapelle Sainte-Eugénie de Moingt au Jardin Allard, à Montbrison, sous-préfecture de la Loire, Mattéo Ruberti a vécu un rêve. Ce jeune homme de 22 ans, qui réside à Sévelinges, village situé à 80 kilomètres au Nord, a porté la flamme olympique durant quelque 250 mètres.

Il a fait partie des 10 000 relayeurs, à travers la France, à avoir eu ce privilège. Pourtant, lui se distingue de tous les autres : par son autisme et sa capacité exceptionnelle à repousser toujours plus loin les limites de son handicap.

L’égal des valides

Mattéo Ruberti est le premier sportif autiste qualifié pour les Mondiaux d’Half-Ironman avec les valides et à prétendre à la Six Star.

Coca-Cola en a fait l’un de ses 14 ambassadeurs régionaux pour le relais de la flamme, affichant son portrait sur de nombreux abribus de l’Hexagone après un shooting photo dans les locaux du journal L’Équipe. La société de production Upside lui consacre un documentaire qui sera diffusé en 2025. Un engouement mille fois mérité qui le rend fier.

Mattéo a en effet été le premier lauréat du Challenge national de paratriathlon en catégorie « Handicap mental ». Mieux encore, le 14 décembre prochain à Taupo (Nouvelle-Zélande), il deviendra le premier triathlète autiste à participer aux Championnats du monde d’Half-Ironman (1,9 km de natation, 90 km à vélo et 21,1 km à pied).

« Pour me qualifier, j’avais fini 12ème chez les 18-24 ans en mai à Aix-en-Provence…avec les valides ! », précise le sociétaire du CS Lac des Sapins, qui avait déjà réalisé une performance prometteuse un an plus tôt à Nice (184ème sur 2 400 participants et 26ème de sa catégorie).

Dix ans de progrès

En 2026, à 24 ans, le Ligérien pourrait devenir le plus jeune Français à décrocher la Six Star, la médaille attribuée par Abbott aux finishers des six marathons majeurs. « J’en ai déjà bouclé quatre en moins de 3h30. Il me reste Londres et Tokyo. Ce sera sans doute pour 2025-2026 ».

Au-delà de ses brillants résultats, Mattéo savoure le chemin parcouru et sa métamorphose prodigieuse en l’espace de dix ans. Au point de faire de la maxime de Pierre de Coubertin un mantra de vie : « L’important dans la vie, ce n’est point le triomphe mais le combat ; ce n’est pas d’avoir vaincu mais de s’être battu ». Et d’ajouter : « Avec beaucoup de travail, on peut réussir. J’espère n’être qu’au début d’une grande carrière de triathlète ».

Dix ans plus tôt, pourtant, le quotidien était tout autre et l’horizon bien moins dégagé. Mattéo a alors 12 ans. Il ne parle pas, ne se mélange pas aux autres, ne répond à aucune question, reste dans sa chambre à regarder des dessins animés, préfère rendre copie blanche à l’école plutôt que d’affronter l’échec. Dehors, le bruit lui fait peur, la boue l’horripile, les entorses à la routine l’insupportent.

Papa, premier soutien

Mattéo Ruberti est le premier sportif autiste qualifié pour les Mondiaux d’Half-Ironman avec les valides et à prétendre à la Six Star.

Diagnostiqué autiste, on lui propose d’intégrer un centre pour personnes avec un handicap mental. Son père Frédéric s’y oppose férocement et obtient gain de cause au tribunal. Ancien cycliste professionnel de 2000 à 2002 et finisher de plus de 50 marathons, il compte sur le sport qui lui a tant apporté pour faire progresser Mattéo et le sortir de sa chambre.

La course à pied est la première étape. « Au début, il ne participait qu’à des courses sur route, marchait dans les descentes par peur de la déclivité. Sa foulée s’écrasait au sol, son allure était pataude. Son unique but était de s’amuser et de finir la course », se souvient son père, qui a la bonne idée de lui fixer des défis pour le faire progresser.

Comme développer sa concentration est une nécessité, augmenter les distances devient la solution adaptée. « En 2016, il a participé avec moi au 10 km du Coteau de Roanne, au semi-marathon de Macon et en commençant à s’affiner, s’est découvert des capacités insoupçonnées », poursuit le papa, qui l’accompagne sur tous ses entraînements et sur toutes ses courses, l’aidant à réguler sa vitesse, à faire abstraction de la foule, à s’alimenter aux bons moments.

Un premier marathon à 16 ans pour Mattéo Ruberti

« En janvier 2018, Mattéo a participé à son premier trail. C’était quelque chose d’inconcevable pour lui puisqu’en raison de sa fixation sur la propreté, il ne supportait de mettre le pied dans une flaque de boue. Après ça, il a voulu connaître l’aventure du marathon ».

La France n’autorisant la participation aux 42,195 km qu’à 18 ans, la Team Ruberti s’oriente vers les États-Unis. « Là-bas, on peut s’engager dès l’âge de 16 ans. En mars 2018, j’ai ainsi couru le marathon de Los Angeles au milieu de 25 000 participants. C’était un autre monde que je regardais avec des étoiles dans les yeux car la foule était immense et le parcours passait par des endroits magiques, tels que Chinatown, Hollywood, Beverly Hills et le Santa Monica Boulevard », raconte Mattéo, qui franchit l’arrivée après 3h29 d’efforts.

Son record d’alors sur 10 km (39’39) le conduit à rêver de finir ses marathons suivants en moins de 3 heures. Mais… « À Chicago, 3h20. Il faisait 3° C alors que la semaine précédente, la température dépassait les 25° C. J’ai pris froid et ai été pris de vomissements. À Athènes, 3h26. J’ai été victime d’une intoxication alimentaire. À New-York, 3h06. La chaleur était torride ».

Marathons Majeurs

Mattéo Ruberti est le premier sportif autiste qualifié pour les Mondiaux d’Half-Ironman avec les valides et à prétendre à la Six Star.

Il lui faut attendre le 17 avril 2023 pour réussir son coup, à Boston (2h59). « Mon père a chopé la Covid-19 et une forte fièvre qui l’ont contraint à déclarer forfait. Pour la première fois, j’ai dû courir sans lui. Heureusement, un coureur de la Team Charity Doug Flutie Jr. Foundation for Autism m’a accompagné jusqu’au bout. Ma montre connectée Polar Vantage 3 a pu me donner les allures et les zones cardiaques cibles à respecter. Enfin, mes capteurs de glucose m’indiquaient quand m’alimenter », raconte Mattéo.

Par la suite, il a drastiquement amélioré ses chronos à Berlin (2h49) puis à Paris (2h41) grâce à son assiduité à l’entraînement (plus de 20h par semaine) et aux plans d’un coach expérimenté (Patrick Bringer). « Mon autisme fait que la répétition ou la monotonie ne me posent aucun problème. Je peux faire beaucoup de tapis de course ou de fractionné. Au départ, mon autisme était un handicap. Maintenant, c’est devenu une force », justifie-t-il.

Les JO 2028 ?

Mattéo Ruberti est le premier sportif autiste qualifié pour les Mondiaux d’Half-Ironman avec les valides et à prétendre à la Six Star.
Mattéo Ruberti est le premier sportif autiste qualifié pour les Mondiaux d’Half-Ironman avec les valides et à prétendre à la Six Star.

Parallèlement à ses progrès en course à pied, Mattéo est devenu un excellent cycliste pour être un triathlète respectable. « Lors de mon premier jour de tandem avec mon père, je pleurais de peur. Mais après 40 bornes, je voulais rempiler. Trois mois après, nous escaladions le Mont-Ventoux ! Puis, en 2017, j’apprenais à changer les vitesses, à freiner et prenais mon envol’’.

Le sport l’a aidé à tous points de vue. ‘‘J’ai fait sauter des blocages, surpassé des peurs, gagné en confiance. J’ai montré que je pouvais faire comme les autres », explique le sportif qui a décroché son Bac Pro Paysagiste et son permis de conduire. « J’espère finir mon premier Ironman en 2025 et participer aux Jeux Paralympiques de 2028 si ma catégorie (Handicap mental) y fait son apparition ». Des défis, toujours, pour ce sportif inspirant pour de jeunes autistes.