Baptiste Cazaux, berger, traileur et vainqueur
Berger et producteur de tomme des Pyrénées IGP sur les flancs de l’Aubisque, dans les Hautes-Pyrénées, Baptiste Cazaux est un pur montagnard. Le trail s’est imposé à lui comme une évidence. Aujourd’hui, à 47 ans, il enchaîne les victoires sur les sentiers pyrénéens.
La montagne, c’est sa maison. Baptiste Cazaux est né à plus de 1000 mètres d’altitude, dans une ferme accrochée à Arrens-Marsous, au cœur du Val d’Azun. Depuis toujours, ce fils des cimes court dans les pentes comme d’autres marchent en ville.
Avant de reprendre l’élevage familial en 2019 — transmis de génération en génération depuis 1686 —, il s’est illustré dans le monde du sport avec une rare polyvalence.
Sportif touche-à-tout


Durant près de dix ans, il a mené une carrière de haut niveau en cyclisme et en ski de fond. Sur route, il a roulé au plus haut niveau amateur aux côtés de coureurs comme Thomas Voeckler, avant que ce dernier ne passe professionnel. En ski nordique, sous les couleurs du team Salomon, il s’est aligné sur les plus grandes classiques : la Transjurassienne (qu’il a terminée à treize reprises), la Foulée Blanche, ou encore l’Étoile des Saisies.
Athlète complet, il s’est ensuite tourné vers le triathlon, bouclant notamment la fameuse Pyrénéa entre Pau et Gourette, mais aussi l’Ironman de Nice (en 10h) et l’Embrunman (en 11h15), deux monuments de l’endurance.

En parallèle, il exerçait comme entraîneur professionnel, accompagnant des jeunes athlètes tout en travaillant à mi-temps sur la ferme de ses parents. Lorsqu’il en reprend les rênes, épaulé par un jeune de son village, une discipline se présente à lui avec évidence : le trail.
« J’ai toujours su que je viendrai au trail. Cela me correspond bien. Il y a de vraies similitudes entre l’élevage en montagne et la course en nature, explique-t-il. L’environnement est le même, il faut connaître le terrain, gérer l’effort, affronter la météo, les imprévus. Et pour tenir, il faut être endurant, persévérant. Ce sont deux activités exigeantes, parfois solitaires, mais profondément authentiques. »
Entre bêtes et sommets

Baptiste Cazaux élève aujourd’hui 300 brebis, 40 vaches, une quinzaine de porcs. Agriculteur, berger, fromager, il cumule les casquettes avec un même sens de la rigueur. Il produit une tomme des Pyrénées IGP au lait de vache et de brebis, vendue en direct à la ferme et via les circuits courts. Son fromage a d’ailleurs été plusieurs fois médaillé au Concours général agricole du Salon de l’Agriculture.
« Je maîtrise toute la chaîne, de l’élevage à l’affinage. C’est chronophage, bien sûr, mais passionnant. Je travaille en moyenne dix heures par jour, 340 jours par an. Je m’accorde une semaine de vacances avec ma femme et mes deux enfants, et c’est tout. »

L’été, l’intensité monte encore d’un cran. Ses troupeaux transhument pendant trois mois entre 1400 et 2400 mètres d’altitude. « Je monte les voir chaque jour. Hier, par exemple, j’ai attaqué à 6 h avec les foins, je suis allé aux bêtes, puis je suis redescendu à la ferme à 21 h… et j’ai encore casé un footing d’une heure », raconte-t-il à quelques jours d’une course.
Pas de plan d’entraînement millimétré pour ce traileur au foncier solide. Il connaît son corps, et capitalise sur des années d’endurance. L’essentiel, pour lui, reste le plaisir, et le lien avec le terrain.
Un palmarès construit à la force des jambes

Depuis six ans, ce traileur master aligne les performances. Il a remporté à trois reprises le Trail de Gavarnie, triomphé sur le Marathon des Gabizos, la Course des Refuges à Cauterets, mais aussi sur le Trail du Bélier à La Clusaz et sur celui du Sancy, dans le Massif central.
Il a également décroché des deuxièmes places sur des épreuves aussi mythiques que le Trail du Canigou ou les Templiers, à Millau.
Sa dernière victoire, il est allé la chercher début juillet à Luchon, sur la Route 3404 (64 km). Il y était présent en double ambassadeur : vendeur de ses tommes IGP sur le village – que l’on a pu déguster aux ravitaillements – et concurrent aligné sans pression.
« Au-delà de 30 ou 40 km, mon objectif est simple : terminer, en prenant du plaisir. Après, si les jambes répondent, je peux viser une belle place, grâce à tout ce que j’ai construit avant », nous confiait-il, à quelques jours du départ.
Victoire ex-aequo sur l’Aneto

Ce week-end-là, tous les voyants furent au vert. Les jambes étaient là, la météo clémente, même si l’orage a contraint l’organisation à raccourcir le parcours de 10 km. À l’arrivée, une nouvelle victoire. Et surtout, une course partagée.
« J’ai couru avec Sébastien Soulans que j’avais croisé il y a dix ans sur le trail des Vallées des Gaves. Il s’est souvenu que ce jour-là, je l’avais attendu, alors cette fois, il a voulu me rendre la pareille. On a terminé ensemble, en discutant. C’était parfait. »
Et les paysages n’ont rien gâché à l’affaire. « Je connaissais peu le coin. J’étais venu il y a deux ans, mais j’avais abandonné sur entorse. Là, j’ai pu vraiment profiter : l’hospice de France et ses grandes prairies, le Port de Vénasque magnifique, et tous ces panoramas sur l’Aneto, l’Aubisque, le glacier de la Maladeta… une splendeur. » Il termine ex-aequo, en 5h36’, avec le sourire et la satisfaction d’avoir tout vécu, à fond.
Et la suite ? La fin de saison reste à dessiner. Peut-être un dossard cet automne. L’ultra-trail le tente, bien sûr — notamment le Grand Raid des Pyrénées. Mais la préparation nécessaire pour avaler plus de 100 km reste difficilement conciliable avec ses multiples activités.
Le berger en a pris son parti. Il exprime aujourd’hui tout son potentiel sur des formats plus courts, avec en prime la joie de découvrir de nouvelles vallées. Toujours dehors. Toujours en mouvement.