Strava vs Garmin: la guerre des données secoue le sport connecté

Strava et Garmin s’affrontent autour des données et des brevets du sport connecté. Une guerre qui pourrait bientôt impacter les utilisateurs.

Le torchon brûle entre Strava et Garmin, deux géants du sport connecté que des millions de coureurs, cyclistes et triathlètes utilisent chaque jour. Au cœur du conflit : des questions de brevets, d’accès aux données et de contrôle des fonctionnalités. Une bataille juridique qui pourrait, à terme, impacter directement les utilisateurs.

Entre les deux firmes américaines, jusqu’alors bonnes partenaires, les rapports se sont tendus depuis 1er juillet, comme l’a révélé le blog DC Rainmaker. Récemment, Strava a porté plainte contre Garmin pour violation de brevets. L’application accuse la marque américaine d’avoir intégré sans autorisation deux de ses innovations :

  • les segments, ces portions de parcours où les sportifs comparent leurs performances ;
  • les heatmaps, cartes thermiques affichant les zones les plus fréquentées.

Selon Strava, ces éléments sont au cœur de son ADN et protégés par la loi. L’entreprise estime que Garmin les exploite à travers sa plateforme Garmin Connect et certaines de ses montres sans en avoir les droits. Garmin, de son côté, affirme que ces fonctionnalités sont « génériques » et que Strava tente de s’approprier des idées communes à tout l’écosystème du sport connecté.

Une tension accrue autour de l’accès aux données

Strava est la principale communauté numérique pour les sportifs, rassemblant plus de 120 millions d'athlètes dans plus de 190 pay
Strava est la principale communauté numérique pour les sportifs, rassemblant plus de 120 millions d’athlètes dans plus de 190 pays.

Le désaccord ne se limite pas aux brevets. Depuis le 1er juillet, Garmin a durci les conditions d’utilisation de son API, la passerelle qui permet à Strava – et à d’autres applications applications – de se connecter à ses montres et compteurs.
Dorénavant, toute application utilisant des données issues d’appareils Garmin doit mentionner explicitement la marque, voire afficher son logo.


Strava – qui prépare son entrée en bourse pour 2026 – juge cette exigence excessive et refuse de s’y plier, évoquant une forme de « publicité forcée ». L’as du GPS réplique, et menace de restreindre l’accès à ses données à partir du 1er novembre si Strava ne se conforme pas aux nouvelles règles.

L’affaire portée devant un tribunal du Colorado va lui, puisque Strava réclame l’interdiction de commercialiser les montres intégrant les deux fonctionnalités (segments et heatmaps) ainsi que des dommages financiers pour « usage illégal » de ces deux technologies.

Si le réseau social – qui dit avoir tenté de régler ce différend à l’amiable – gagne ce procès, les ventes des montres Fenix, Forerunner et Epix, ainsi que les compteurs de vélo Edge pourraient être suspendue.

Plus vraisemblablement, ce conflit pourrait signifier la fin de la synchronisation automatique entre Garmin Connect et Strava, une habitude bien ancrée chez les coureurs et cyclistes du monde entier.

Quelles conséquences pour les utilisateurs ?

Garmin, leader incontesté du GPS embarqué clôture le deuxième trimestre 2025 avec un chiffre d'affaires total de 1,81 milliards de dollars.
Garmin, leader incontesté du GPS embarqué clôture le deuxième trimestre 2025 avec un chiffre d’affaires total de 1,81 milliards de dollars. Les montres cardio-GPS pour les coureurs ne représentent qu’une partie de son activité.

Pour l’instant, aucune coupure n’a été constatée. Les activités continuent de se synchroniser normalement. Mais si le bras de fer se durcit, plusieurs scénarios sont possibles :

  • Perte temporaire ou totale de la synchronisation automatique entre les montres Garmin et Strava, obligeant les sportifs à importer manuellement leurs activités.
  • Disparition ou modification des segments et des cartes thermiques sur les appareils Garmin si Strava obtient gain de cause devant les tribunaux.
  • Fragmentation du marché, chaque acteur cherchant à verrouiller son écosystème et à limiter les connexions avec ses concurrents.

Dans le pire des cas, cela pourrait pousser certains utilisateurs à changer de plateforme ou de montre, selon les fonctionnalités qu’ils jugent essentielles à leur pratique.

Un combat stratégique

Derrière cette guerre ouverte se joue un enjeu majeur : le contrôle de la donnée sportive. Les kilomètres parcourus, les traces GPS, les segments et les performances individuelles représentent un capital numérique considérable. Strava, comme Garmin, veulent garder la main sur la façon dont ces données sont collectées, partagées et valorisées.

Ce conflit pose aussi la question du modèle économique. Strava mise sur les abonnements premium et la puissance de sa communauté, tandis que Garmin tire l’essentiel de ses revenus du matériel, enrichi de services connectés. Les deux marques se retrouvent donc sur le même terrain : fidéliser l’utilisateur en lui offrant un écosystème complet et exclusif.

Quoi qu’il en soit, cette bataille Strava–Garmin marque un tournant dans le monde du sport connecté. La donnée est devenue l’enjeu central de la performance — et désormais, un terrain de guerre entre les marques.

D’ailleurs Suunto n’a pas tardé à sortir du bois. En effet, le concurrent finlandais intente à son tour une action en justice aux Etats-Unis contre Garmin, l’accusant d’avoir enfreint au moins cinq de ses brevets. La guerre ne fait donc que commencer.

Pour l’heure, Garmin, n’a pas communiqué. Si l’action de ce géant mondial de l’électronique baisse depuis cinq jour, elle reste à un niveau record (254,34 USD).