Sierre-Zinal 2022 : les Kenyans devant, Kilian Jornet battu
Malgré un chrono épatant, son 2e meilleur temps en 12 participations, Kilian Jornet a été battu samedi 13 août par plus rapide que lui lors de la 49e édition de Sierre-Zinal, la doyenne des courses de montagne en Europe. Vainqueurs chez les hommes comme chez les femmes, les coureurs Kenyans ont fait la loi. Une domination qui n’est pas sans rappeler celle qu’ils exercent sur le marathon…
Sierre-Zinal, le marathon des courses de montagne
Avec un profil de 2200m D+ et 1100m D- pour 31 kilomètres, la course Sierre-Zinal est souvent comparée à un effort musculaire proche de celui d’un marathon. Et ce n’est pas un hasard si une forte délégation kenyane, invitée sur l’épreuve, est venue se mesurer aux meilleurs athlètes internationaux du circuit des Golden Trail World Series. Avec cette question que tout le onde se posait : s’ils étaient capables de courir vite, les Kenyans seraient-ils aussi capables de tenir la distance ? Et, du même coup, de rivaliser avec l’élite mondiale du trail emmenée par les deux détenteurs du record de l’épreuve, Kilian Jornet chez les hommes et Maude Mathys chez les femmes.
En l’emportant dans les 2 catégories, et en plaçant 4 coureurs dans les 7 premiers, les Kenyans ont fait une démonstration. Et envoyé un message clair : il faudra désormais compter sur eux dans l’univers du trail.
Mark Kangogo de bout en bout
Partis sur un rythme très élevé, les 2 Kenyans Patrick Kipngeno et Mark Kangogo ont de suite donné le ton : la course allait être rapide et le record de Kilian Jornet pouvait être battu. Durant toute la première partie de course, une montée parfois très sèche de 11 kilomètres, les 2 athlètes ont africains été impressionnants de force. Au ravitaillement de Chandolin, au 12e kilomètre, ils étaient même sur les bases du record détenu par Kilian Jornet depuis 2019 (2h 25mn 35s).
C’est après ce premier ravitaillement que Mark Kangogo a produit son effort et s’est envolé, développant une foulée royale. Certes, le Kenyan a connu de grandes difficultés sur la fin de l’épreuve, visiblement fatigué, mais il avait suffisamment d’avance pour s’imposer en 2h 27mn 31s, avec près de 2 inutes d’avance sur l’Espagnol Andreu Blanes Reig, étonnant second en 2h 29mn 19s. Patrick Kipngeno, également débordé dans la descente, monte sur la 3e marche du podium, en 2h 29mn 35s.
Kilian Jornet 5e malgré un super chrono
Victime de crampes dès le départ, Kilian Jornet n’a pas été en mesure de suivre les Kenyans dans la montée. Il a même compté jusqu’à 6 minutes de retard au 20e kilomètre, avant de retrouver ses jambes dans la partie descendante. Il termine avec un chrono de 2h 30mn 18s, son 2e meilleur temps en 13 participations à l’épreuve, qu’il a gagnée 9 fois. Assuré de la 4e place, Jornet a pris le temps de saluer ses fans dans la dernière ligne droite, et s’est finalement fait devancer sur la ligne par l’Érythréen Petro Mamu. Philemon Ombogo Kiriago et Robert Pkemoi prennent les 6 et 7e places, complétant la démonstration de la délégation kenyane.
Côté français, Frédéric Tranchand était très attendu. 2e de l’épreuve en 2021 derrière Kilian Jornet, 4e la semaine dernière à la Stranda Fjord Trail Race, 3e étape des Golden Trail World Series (après Zegama-Aizkorri et le Marathon du Mont-Blanc), il a hélas connu un jour sans et échoue à la 38e place, loin de son chrono de l’an dernier. C’est l’athlète du team Sidas-Matryx Anthony Felber qui termine premier Français, en 12e position, juste devant le champion d’Europe de trail Sylvain Cachard. Qui découvrait la course.
Esther Chesang devant Maude Mathys
Chez les féminines, la physionomie de la course a été assez similaire à celle des hommes. Partie en tête, la Kenyane Esther Chesang a mené de bout en bout pour s’imposer en 2h 52mn 01s. Tout comme ses compatriotes, Chesang a eu beaucoup de mal à terminer et a bien failli se faire rejoindre dans la descente par la Suissesse Maude Mathys, tenante du titre et recordwoman de l’épreuve. Alors qu’elle comptait plusieurs minutes d’avance à mi-course, la Kenyane l’emporte de 31 petites secondes, tandis qu’une autre Kenyane, Philiaries Kinsang, prend la 3e place.
Côté français, Anaïs Sabrié, donnée parmi les favorites, a également connu un jour sans. La première Tricolore est Mathilde Sagnes, 13e en 3h 09mn 35s.
Les Kenyans vont-ils révolutionner le trail ?
En plaçant 4 athlètes dans les 7 premiers du général, et 2 féminines sur le podium, les Kenyans montrent sans conteste leurs aptitudes à performer en trail. Pour certains, c’est la faiblesse des primes qui expliquerait leur absence sur ces formats, là où les courses sur route ont des dotations bien plus élevées. En se professionnalisant et en gagnant en visibilité, le circuit trail pourrait donc les attirer, et radicalement changer la donne. D’autant que s’ils ont montré des signes de fatigue en fin d’épreuve, les Kenyans sont loin d’avoir les mêmes conditions que les meilleurs traileurs mondiaux pour s’entraîner spécifiquement toute l’année.
On imagine, dans le cas inverse, ce que cela pourrait donner. Mais ces bouleversements pourraient également entraîner un changement radical de mentalité et faire disparaître ce fameux « esprit trail » que nombre d’athlètes et d’amateurs chérissent. Kilian Jornet, qui s’est fait souffler sa 4e place parce qu’il saluait ses fans, doit sans doute avoir son idée sur la question…