Tour du made in France dans le running

L’élan made in France gagne le running. Certes, le marché reste pour l’heure largement dominé par les grands équipementiers fabriquant en Asie, mais le savoir-faire français revient fort dans la course !

Le coureur qui souhaite s’équiper français a désormais l’embarras du choix. Pour sa nutrition, à côte d’acteurs historiques comme Overstim.s, produisant en Bretagne depuis 40 ans, de jeunes marques innovent, chacune avec ses spécificités. Produits à base de miel pour Meltonic ou Apirun, en-cas sains, crus et gourmands pour l’Annécien Baouw, gamme de compléments alimentaires premium chez les Toulousains de Nutripure, barres et purées de noix cétogènes pour Holyfat  basé à Lille, entre autres.

Les manchons de compression peuvent soulager les jambes lourdes.

Rayon éclairage, à côté du leader Petzl, Stoots usine ses lampes frontales en Bourgogne depuis 2013, tandis que les nouveautés lumineuses des Haut-savoyards de Go’Lum et Beliight percent également ces dernières années.

Le traileur lui pourra trouver de bons bâtons chez le Haut-Savoyard TSL outdoor, renommé de longue date pour ses raquettes à neige ainsi que chez Guidetti de la société grenobloise G-Tech, partenaire de quelques ultra-trails alpins.

Marques françaises et made in France c’est différent

Côté vestiaire, la tendance est nettement plus franche. Depuis le Covid, on assiste à une véritable vague tricolore. On a recensé avec ce petit Tour de France une bonne vingtaine de marques made in France.

Mais attention, l’étiquette bleu-blanc-rouge peut n’être qu’un argument marketing. Il faut bien différencier les marques françaises qui agitent le drapeau tricolore et fabriquent à l’étranger, de celles qui produisent effectivement tout ou partie de leur collection sur notre territoire.

En la matière, BV Sport, créée en 1996 fait figure de pionnière. Leader de la compression et de la chaussette technique, la société fabrique désormais 70% de ses produits dans son usine de Saint-Etienne, dont toute sa gamme de compression et de chaussettes techniques.

En 2015, Raidlight lui a emboîté le pas avec sa gamme ‘made in France’ produite dans son atelier de Saint-Pierre-de-Chartreuse, en Isère. Toutefois, cette collection représente aujourd’hui 20% de son chiffre d’affaires pour une vingtaine de références, avec 10 à 20% de matières sourcées en France. « Au départ ce fut un pari de se lancer sur cette voie. Aujourd’hui, c’est un de nos axes majeurs de développement et fait partie intégrante de nos valeurs », explique Lucie Fayolle, chargée de communication chez Raidlight.

Une production relocalisée qui fait sens

Des vêtements techniques 100% fabriqués en région Rhône-Alpes en matières recyclées ou biosourcées pour Caprin.

Désormais, de jeunes marques poussent l’éthique plus loin. Elles fabriquent intégralement en France avec des matières techniques et éco-responsables sourcées localement.

Derrière ce ‘made in France’ engagé, bien souvent, une histoire de passionnés en quête de sens. « A l’heure du changement climatique et de la fonte des glaciers, courir avec un t-shirt fabriqué à l’autre bout du monde tient de l’aberration ! Pour le coureur-traileur, animé de valeurs environnementales fortes, c’est un vrai paradoxe », explique en substance Alexandre Marquès, fondateur de Caprin lancé en crowfounding en 2021.

Car un t-shirt technique fabriqué en Asie parcourt 30 000 km avant d’arriver sur le dos d’un coureur ! Désormais, l’empreinte carbone est réduite de 90% avec une production assurée dans l’arc alpin. Comptez 600 kilomètres au maximum entre la conception à la commercialisation, cela change la donne !

Recyclé et bio-sourcé à l’honneur

Engagé depuis sept ans dans cette démarche Maxime Marchal, l’un des trois amis à l’origine de Coureur du Dimanche se revoit toquer aux portes des usines de la région Rhône-Alpes il y a quelques années. 

« En 2015, on faisait figure d’OVNI car nous voulions une matière française technique et à l’époque, le choix était très restreint. Et le recyclé français n’existait pas encore. De gros progrès ont été fait depuis trois ans. Nous utilisons désormais à minimum 90 % des bouteilles recyclées pour nos produits qui sont tous fabriqués en France », explique le responsable lyonnais.

Coureur du Dimanche habille français de la tête aux pieds.


La bouteille en plastique remplace souvent le polyester à base de pétrole. Mais d’autres matières éco-responsables sont aussi plébiscitées comme l’huile de ricin, le jersey de chanvre ou encore la laine mérinos, antibactérienne et thermorégulante. Ogarun a fait le choix de cette laine qui vient d’Afrique du Sud, faute de production française adéquate. Mais le fil est tricoté à Lemahieu, à coté de Lille, nous précise-t-on.

Un prix plus élevé mais des marges restreintes 

Ce n’est pas un secret, fabriquer au cœur de nos régions revêt un coût nettement supérieur au ‘made in Asie’. Pour un t-shirt par exemple, comptez entre 65 à 85 euros à l’achat. Un certain budget… «  Nous proposons des produits un peu plus chers certes, mais avec une fabrication locale, tracée, éco-responsable. Un grand équipementier marge dix fois quand nous margeons deux fois.  C’est pour cela que la vente sans intermédiaire en direct sur notre site interne est l’option la plus viable pour nous », détaille-t-on chez Coureur du dimanche.

Oragun met à l’honneur la laine Mérinos pour ses vêtements techniques.

Ce juste prix plus élevé, le consommateur hésite désormais moins à le débourser. Malgré l’inflation, les consciences s’éveillent et les comportements changent. « Nos clients sont plutôt des CSP+ mais on voit arriver des étudiants et des employés qui n’achètent plus grand chose de neuf mais qui ont envie de se faire plaisir de temps en temps », témoigne Jean-Charles Giorgi, ancien de Kalenji à l’initiative d’Ogarun.  

Avec à cette prise de conscience, la renaissance de toute une filière. Depuis quatre ans, l’univers du textile français recrute à nouveau. A elle seule, Ogarun fait ainsi travailler une vingtaine de PME et 500 familles environ. 88% du prix de ses produits irriguent l’économie française. Une fierté que partagent toutes ces marques engagées dans le made in France.  

Made in France dans le running : une usine de chaussures de pointe en Ardèche

La paire de running Index 01 de Salomon destinée à être recyclée en fin de vie est produite dans l'usine ASF 4.0 en Ardèche.
La paire de running Index 01 de Salomon destinée à être recyclée en fin de vie est produite dans l’usine ASF 4.0 en Ardèche.

Mais c’est bien à nos pieds qu’une vraie révolution s’annonce. Et fabriquer en France des runnings (une centaine de pièces par chaussure environ) est une autre paire de manches !

A Ardoix en Ardèche, l’ASF 4.0 ou Advanced Shoes Factory relève déjà ce défi. Inaugurée en septembre 2021, cette unité de pointe fabrique déjà de 10 000 chaussures de sport en France à l’année. Filiale de Chamatex Group, spécialisé dans les textiles techniques et co-inventeur de la fameuse technologie Matryx, elle est née d’un partenariat ambitieux avec trois marques actionnaires Salomon, Babolat et Millet.  

Il y a deux ans, Salomon avait ouvert la voie avec sa paire d’Index 01 destinée à être recyclée en fin de vie. Mais cet équipementier phare du trail-running compte aller plus loin en relocalisant une partie de sa production en Ardèche. Ainsi deux nouveaux modèles de randonnée Salomon, la Captiv et Metacross sont annoncés pour début 2023.

« Sur ces deux nouvelles paires Salomon, tout est fabriqué chez nous en Ardèche sauf la semelle, faute de technologie disponible pour l’heure sur notre territoire. Rapatrier la confection des semelles de chaussures de sport en Europe est la deuxième phase du projet, avant que ce savoir-faire soit possible en France à terme », explique Marina Badel, responsable marketing chez Chamatex Group.

En Ardèche, l'usine ASF 4.0 fabrique des paires Salomon notamment.
L’usine ASF 4.0 en Ardèche est entièrement automatisée.

Objectif 500 000 paires par an pour l’Advanced Shoes Factory

Ce site de plus de 2 000m2 de production emploie déjà une cinquantaine de personnes. Il vise une production de 500 000 paires par an à court terme. Et le carnet de commandes est « plein jusqu’en 2025 ».

Ce savoir-faire relocalisé profitera à d’autres marques de chaussures tricolores. Citons Veets, passée dans le giron de BV Sport en 2020. Elle a fait une belle percée sur le marché avec ses trois gammes produites en Vendée et s’attaque elle aussi à un gros défi : concevoir une running performante uniquement avec matériaux sourcés en France, ce qui serait une grande première.

Produite en France, cette Veets Utopik.
La Veets Utopik est produite en France.

Deux autres marques plus confidentielles sont aussi entrées dans la course. Relance running, basé à Brest a sorti une running RL-01 fabriquée à Cholet en 2021. La Frensh, située à Niort a fait assembler seux premières paires – dont une en carbone que nous avons testée – en Asie mais annonce la sortie ce printemps d’une paire de trail conçue à Romans-sur-Isère, l’Ultra Français.

« Sur les 100 pièces de cette paire, 80 % seront fabriquées en France avec un tissu Matryx de l’usine de Chamatex, des renforts en fil de carbone d’Insoft et une semelle Vibram italienne notamment. Dans un premier temps, nous fabriquerons 2 000 paires vendues à 199 euros » détaille Jérôme Soullard, fondateur de La Frensh.

En parallèle, Circle Sportswear vient de lancer les pré-commandes pour sa running Super Natural, fabriquée elle en Europe, avec des matériaux bio-sourcés comme l’huile de ricin, la fibre de bois et la laine mérinos notamment.