SaintExpress, ma première nuit blanche
La SaintéLyon a réuni 17 000 coureurs sur les sentiers des monts du Lyonnais. Ce rendez-vous culte de fin de saison, Mathieu, 21 ans, l’attendait de pied ferme. Cet étudiant a pris son dossard à la fin de l’été pour participer à sa première course, la SaintExpress de 44 km. Récit d’une nuit blanche inoubliable passée à cavaler.
Neige, sol glissant et température négative… Pour sa première participation, Mathieu est servi. La réputation météo de la SaintéLyon est à la hauteur. Cet élève ingénieur de l’Ecole Supérieure de Physique Chimie Industrielles de la ville de Paris est en stage à Grenoble depuis six mois.
Et il s’est pris de passion pour la montagne. Inscrit dans un club de trail à Grenoble, il se donne 4 mois pour préparer cette SaintéExpress. En 44km, elle emprunte le même parcours que la SaintéLyon classique mais avec un départ au km 30, à Sainte-Catherine à 23h30.
Dans cette aventure, Mathieu ne sera pas seul. Il pourra compter sur le soutien de sa compagne, Marie, sprinteuse de haut niveau, et de Sandrine la mère de sa compagne, coureuse aguerrie qui prendra le départ avec lui.
Ressenti -25°C…

« Des dizaines de bus se suivent formant alors un convoi impressionnant. Après le premier panneau indiquant Ste Catherine, un grand silence. Tout le monde se débarrasse des dernières couches confortables. La pression monte lorsque nous descendons du bus. Nous remontons sur presque 2 km la longue file de bus arrêtés dans le village pour déposer nos sacs à la consigne.
Le départ de la première vague est imminent, le compte à rebours est enclenché, et…. paf, coupure de courant : plus de son, plus d’image : on est dans le noir. Bon, allumons nos frontales, c’est le programme de toute façon.
Le froid est très vif, la neige bien présente sous nos chaussures laissant présager des parties probablement très glissantes. Mais nous sommes sereins, nous avons dans notre sac un truc en plus : des crampons, ceux qui se fixent en moins d’une minute, une arme absolue anti-verglas.
Je lâche très vite Sandrine qui souffre d’une jambe et alternera marche et course. Je pars en trottinant rapidement pour me mettre en jambes et surtout me réchauffer ! Il fait -1°C , ressenti : -25°C avec un bon vent dans cette zone de départ.

Les premiers km passent tranquillement au milieu de tous ces coureurs qui se sont préparés sûrement plus longtemps que moi. Après 3 km de montée, je dégaine mes crampons. Dès la première descente, leurs bienfaits sont impressionnants. Je cours là où les autres participants marchent ou glissent sur les fesses.
Au milieu d’un champ blanc de neige, je prends le temps de me retourner pour observer le serpent de lumière qui illumine cette nuit froide de décembre.
Au premier ravitaillement (km 13,5), je ne m’arrête pas. J’ai tout ce qu’il me faut et je suis bien sur mes jambes.
Panne de frontale, une classique du débutant sur la SaintéLyon

Soudain, au km 15 ma lampe frontale clignote puis s’éteint ! Panique ! Le froid a dû vider la batterie. Il me reste 30 km à faire avec une frontale qui n’éclaire presque plus. Ma technique est simple, rester derrière un éclaireur. Cela a en plus l’avantage de me protéger du vent.
2ème ravitaillement, km 25, après 2h40 de course. Je prends le temps de manger, de boire un thé chaud et de marcher un peu. Trois bonnes minutes d’arrêt, il est temps de repartir. Il est 2h du matin et il me reste encore 20 km, la nuit est encore longue.
Malgré la clémentine et le chocolat du ravito (je manque de repères) au km 28, les jambes commencent à être lourdes. Je m’accroche aux concurrents qui me dépassent pour faire défiler les kilomètres. Mais plus le temps passe, plus les kilomètres sont longs. J’attends le 3e ravito avec impatience.
Je comprends très vite avec le halo de frontales qui m’éblouit que le moindre mètre que je fais maintenant, je devrais le refaire dans le sens inverse.
Arrivé au ravitaillement, le froid me gagne, je décide de ne pas m’arrêter. Quelques fruits secs pris à la volée, et je picore en marchant.
Depuis le 35ème km c’est devenu difficile, très difficile. Je n’ai jamais couru au-delà de cette distance alors forcément cela impacte mes pensées.
Un mur à escalader, et c’est presque l’arrivée…

On m’avait prévenu. Avant d’arriver sur Lyon, un mur à gravir, une dernière montée. Après une longue descente, j’arrive à son pied. C’est impressionnant, au moins 80-100m de D+ en ligne droite. Pas le choix, je m’y engage un pied devant l’autre.
Clairement, je débranche le cerveau. Arrivé en haut, second souffle, je relance dans la descente me disant que c’est terminé. Mais c’était sans compter sur une, puis deux, puis trois petites bosses assassines. J’essaye de m’accrocher à chaque concurrent qui me dépasse et motive autour de moi comme je peux.
Une descente de marches et les traversées de la Saône puis du Rhône plus tard, c’est l’arrivée. Marie m’attend sur le pont avant la halle Tony Garnier et court les derniers 600 mètres avec moi.

Je suis au bout de ma vie mais je vais finir. Peut-être même en moins de 5h. Aie non, 5h08′ . Qu’importe. Quelle joie d’en terminer, d’autant que j’apprendrais ensuite que je fais avec mon âge (21 ans) un top 30 dans la catégorie espoir.
Je me sens fatigué mais tellement heureux d’avoir vécu un bout de cette mythique SaintéLyon. Quelle aventure cette nuit à courir dehors. Bravo ExtraSport et merci à tous les valeureux bénévoles restés éveillés pour nous.