Risques et vertus du marathon

A la suite du décès du coureur français Jacques Bussereau, durant le marathon de New York 1984, le docteur de Mondenard avait fait le point sur les précautions qui doivent être prises avant de participer à une course de 42,195km. Des conseils toujours d’actualité.

©Ben Keith-AdobeStock.

Le 28 octobre 1984, j’étais présent à New York en tant que médecin accompagnateur des marathoniens de l’AFCF.

Mon expérience de cet évènement a été profitable aux coureurs de fond français puisque j’ai publié plusieurs articles dans la presse spécialisée et grand public (Le Figaro, Le Monde) ou scientifique (Entretiens de Bichat), mettant en garde les adeptes de ce genre d’effort sur les contraintes thermiques impactant la physiologie corporelle.

Le texte qui suit titré « Vertus et risques du marathon » est paru quelques jours après New York dans Le Figaro du 31 octobre 1984.

Dès cette époque, j’avais compris que lors de courses de fond une température de l’air élevée associée à un fort degré hydrométrique devait être bien négociée…

25°C et 67% d’humidité

A New York, ce 28 octobre, les participants au célèbre marathon se trouvèrent confrontés à un environnement particulièrement hostile. Le service de météorologie américaine avait communiqué aux organisateurs les chiffres de la température et de l’humidité qui étaient de 19 degrés et 90%, à 10h, soit 45 minutes avant le départ.

Ces mêmes organisateurs, à de nombreuses reprises, avaient mis en garde l’ensemble des engagés sur l’aggravation prévisible des conditions météorologiques.

A 15 heures, la température dépassait 25 degrés alors que le degré d’humidité atteignait encore le chiffre de 67%. Ainsi étaient associées une température élevée et inhabituelle pour la saison (chiffre record sur l’ensemble des quinze éditions du marathon de New York), une humidité très élevée par une journée sans vent.

Comme un radiateur percé

Or, les risques de défaillance par épuisement ou coup de chaleur sont évidents lorsque ces trois éléments se trouvent réunis. En effet, le corps possède comme principal évacuateur de chaleur la transpiration.

Lorsque le chiffre d’humidité atteint 90%, ce mécanisme devient parfaitement inefficace, se comparant alors à un radiateur percé. Il est urgent dans ce cas de ralentir, voire de marcher, et de profiter de tous les postes (ravitaillement et épongement) disposés tous les 2,5km pour favoriser le mécanisme de déperdition de chaleur, en s’aspergeant d’eau froide chaque fois que possible, ou, mieux, en refroidissant les zones de peau découvertes, notamment la nuque, par application d’une éponge imbibée d’eau très fraiche voire glacée. 

Un effort… de réflexion 

Si ces mesures ne sont pas prises dès le départ, le coureur s’expose au coup de chaleur ou hyperthermie maligne, accident rare (18 cas cependant lors de cette 15e édition du marathon de New York), mais extrêmement graves dans certains cas, pouvant se terminer alors par la mort.

Rappelons un exemple particulièrement édifiant, celui d’un marathon de qualification pour les Jeux Panaméricains de 1967, disputé à Holyoke (Massachusetts). Par une température de 36 degrés et un degré hygrométrique de 83%. 87 sur 125 engagés – tous très bien entrainés – abandonnèrent. 

Ron Daws, le vainqueur inattendu de ce marathon s’était préparé en étant très chaudement vêtu pendant ses parcours d’entraînement. Ainsi il s’était parfaitement adapté à ces conditions extrêmes : « c’est pourquoi, j’ai souri lorsque j’ai constaté lors du marathon d’Holyoke que le favori Tom Loris était superbement bronzé. Cela indiquait qu’il ne portait guère que son short et ses souliers pour s’entraîner. »

De la même manière, lorsqu’on rencontre du verglas sur la route, pour ne pas voir modifier brutalement sa trajectoire, lors d’un marathon, il faut lever le pied et limiter l’intensité de votre effort si les conditions climatiques sont défavorables. Et, notamment si le degré hygrométrique grimpe.

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Des temps de course majorés…

Pendant le marathon de New York 1984, la totalité des participants, les meilleurs comme les autres, ont vu leur temps de course s’allonger considérablement et même, pour certains, dépasser leur marque de l’année précédente de 30 minutes à 1 heure…

S’informer sur ces différents paramètres avant de s’élancer sur les 42,195 km devrait être un réflexe habituel. D’ailleurs, l’AFCF (Amicale française des coureurs de fond) organisatrice du voyage de la délégation française dans la mégapole américaine, consciente de tous ces problèmes, organise désormais des colloques médicaux d’information destinés à ses adhérents et diffuse une publication trimestrielle « Mondial Marathon » où figurent de nombreux conseils tel, notamment, dans son dernier numéro paru quelques jours avant New York, un article de circonstance : « Avant de courir, corrigez et limitez les facteurs de risques. » 

En conclusion, il faut rappeler quelques principes. Aucune personne n’est en assez bonne santé pour se permettre d’être sédentaire. C’est ainsi que si on se réfère à une étude portant à la fois sur une population de 18.000 fonctionnaires inactifs ainsi que sur 2.200 personnes ayant une activité physique effective le week-end, on s’aperçoit que la proportion d’accidents coronariens est nettement moins élevée – environ un tiers en moins – sur les actifs par rapport aux sédentaires. 

Forts de cette certitude concernant  les bienfaits du sport, les Français s’engagent sans retenue dans la recherche d’un nirvana sportif. Mais comme toute thérapeutique, la prescription doit être adaptée à chacun en fonction de facteurs personnels dits facteurs de risque (surpoids, alcoolisme, tabagisme, hypertension artérielle, taux de cholestérol, sédentarité pendant de nombreuses années et surtout parents cardiaques), et aménagée suivant les conditions climatiques, comme New York l’a rappelé lors de son édition 84. Courir nécessite aussi un effort… de réflexion.