Patrick Montel : « chaque coureur est son champion olympique »

Patrick Montel tend son smartphone chaque weekd, pour le bonheur de sa communauté Radio Montel.

Patrick Montel, commentaire phare de l’athlétisme sur France Télévisions désormais retraité poursuit sa passion en tendant son micro aux amateurs chaque week-end. Et ça donne toujours des frissons.

Alors après avoir commenté les exploits des plus grands champions, vous tendez le micro aux amateurs. Qu’est-ce qui a motivé votre démarche ?


« Celui qui se défie sur un effort de longue durée est son propre champion olympique. Et donc il mérite un traitement comparable à un athlète de haut niveau. Cette évidence ne m’avait jamais sauté aux yeux lorsque j’étais à France Télévisions. Je faisais de la discrimination malgré moi en pensant, il y a les athlètes de haut niveau d’un côté et les coureurs du dimanche. C’était une erreur énorme. Monsieur et Madame Tout le monde sont de véritables champions comparés à eux-mêmes. S’entraîner pour un trail ou un marathon, c’est un investissement comparable à un sportif de haut niveau. J’ai juste voulu acter cette réalité. Comme peu de gens le font, il y a une attente importante. »

« Radio Montel » a démarré ainsi en plein Covid…

«  Oui, le sport était à l’arrêt, moi aussi. Alors par manque d’événement, j’ai exhumé de vieilles vidéos d’archives. Cela m’a permis de mobiliser une communauté, qui a enflé lorsque j’ai tendu le micro à des gens qui ne l’avaient jamais eu. »

Plus de 230 000 personnes vous suivent désormais sur les réseaux sociaux. Vous attendiez-vous à ce succès ?


« Je ne m’attendais à rien du tout. Ces traileurs, je leur en saurais gré toute ma vie parce qu’ils m’ont permis de rebondir. Je ne savais pas ce que j’allais devenir. Je voulais absolument continuer à exercer ma passion et toute cette communauté qui m’a permis de vivre ce rebond. »

Patrick Montel à l'arrivée du Grand Raid de La Réunion.
Patrick Montel à l’arrivée du Grand Raid de La Réunion. ©DR

Vous êtes sur le terrain chaque week-end sur les courses la France…

« Oui, je bosse plus que lorsque je bossais (rires). Lorsque les organisateurs m’invitent à couvrir leur course, je sais que je vais rencontrer des gens bienveillants. A la télévision, j’apparaissais comme clivant. Il y avait ceux qui aimaient bien Montel et ceux qui ne pouvaient pas le voir. En gros, c’était du 50/50. Depuis que je suis sur le terrain, c’est différent, on m’accueille toujours très gentiment. J’éprouve ce besoin d’aller à la rencontre de gens et de me sentir aimé, c’est simplement humain. »

Comment repérez-vous les coureurs que vous interrogez ?

« Il n’y a pas vraiment de hasard. J’observe et je perçois une étincelle, un regard, quelque chose de différent. Cela ne s’explique pas. Après 30 ans de télé, je suis assez facilement identifié, on ne me perçoit pas comme un intru, cela aide aux confidences. A travers ces témoignages, j’espère motiver ceux qui ne pratiquent pas le sport. Le plus beau compliment, c’est qu’on me dise : ‘j’ai vu telle vidéo et cela m’a donné envie de courir’. »

Parmi vos rencontres ces derniers mois, certain(e)s vous ont particulièrement ému ?

« Tous ceux qui courent pour quelqu’un, pleurent un enfant ou un parent disparus, luttent contre la maladie ou l’usure du temps. Tous ceux-là me touchent au plus profond. Il m’arrive de pleurer avec eux. Les frissons que je ressentais lorsque je commentais Usain Bolt, je les ressens en recueillant les témoignages des uns et des autres. Tout contact m’enrichit. Vraiment. »


Vous courez aussi Patrick Montel ?

« Oui toujours, trois ou quatre fois par semaine à présent. J’ai une boucle de 10 km sur les bords de Marne que j’effectue sans la montre. Je m’arrête souvent pour parler avec des gens. Sur mon parcours, il y a une centaine de marches sur lesquelles les traileurs viennent traquer du dénivelé. Je leur tends volontiers le micro, cela fait partie de mon jogging. »

Cela ne vous donne pas envie de prendre un dossard ?

« Surtout pas. Mon maître, Bernard Faure, qui m’a mis le pied à l’étrier en course à pied il y a 30 ans, qui m’a appris à écouter mon corps. La compétition, la performance pour la performance, ce n’est pas la panacée. Je respecte énormément ceux qui sont dans cet état d’esprit là mais moi, je préfère courir sans la montre. »

Est-ce qu’un souvenir émerge de votre longue carrière de commentateur sportif ?

« Oui, il y en a un auquel je pense quasiment tous les jours. C’est ma rencontre avec Samya, une jeune athlète yéménite. A Pékin en 2008, elle avait terminé dernière de sa série du 100 mètres. On s’était donnés rendez-vous à Londres en 2012. Malheureusement, le Yémen est un pays en guerre permanente dont on ne parle jamais. Samya a terminé au fond de l’océan en voulant rejoindre un camp d’entraînement pour préparer les J.O de Londres. C’est ma petite fée, un trait d’union entre les athlètes de haut niveau qui ont quelque part des privilèges et Monsieur et Madame Tout le monde, qui quelquefois passent au travers de leur passion. »

Vous avez digéré votre départ de France Télévisions ?  

« Complètement. J’ai refermé la page et je remercie France Télé de m’avoir offert ces grands moments de bonheur. Cela a été difficile, comme toute rupture amoureuse, mais je suis très heureux de ma reconversion qui n’en est pas une car c’est le prolongement de ce que j’ai toujours fait ! »

Patrick Montel, commente toujours au pas de course.
Patrick Montel, commente toujours au pas de course. ©Joaquim Galvez


Un sportif ou une sportive vous inspire particulièrement, Patrick Montel ?

« J’ai eu beaucoup de privilèges dans ma vie mais on peut dire que j’ai épousé la carrière de Marie-José Pérec. Elle m’a dit un jour « j’écris la musique et tu écris les paroles ». C’est le plus beau compliment que l’on ne m’ait jamais fait, surtout venant d’une jeune femme plutôt avare de compliments. Je me sens ainsi très proche de Marie-Jo sans l’avoir intimement côtoyée. »


En 2019, vos propos polémiques lors de l’affaire Clémence Calvin vous ont écarté de l’antenne. Les regrettez-vous ?

« Il n’y avait aucune polémique. C’est un constat, tout le monde sait mais personne ne veut savoir. Le dopage aujourd’hui est consubstantiel de la société et du sport du haut niveau. Je n’ai jamais dit que tout le monde se dopait, je m’en garderai bien. Concernant mon départ de la chaîne, j’avais atteint la limite d’âge et je ne voulais pas m’en rendre compte. Je pense qu’une passion est éternelle. J’aurai adoré mourir au micro, peut-être que je vais mourir au micro d’ailleurs car je compte continuer à commenter. »

Justement, Patrick Montel, on rêve de vous voir commenter les JO de Paris 2024. Vous y serez ?

« Ces prochains JO, c’est mon trip absolu. Je me bats pour obtenir une accréditation. Radio Montel n’est pas grand-chose pour le CIO. Si je n’y arrive pas, j’irai commenter à l’extérieur ou bien depuis ma salle de bain avec Nicole, mon chat, qui m’écoute toujours quand les autres en ont marre. Donc oui, d’une manière ou d’une autre, j’y serai. »

Pour finir, parlez-nous de votre association « Alors Peut-être »…


« En reprenant la notion de sport sur ordonnance, malheureusement trop peu appliquée, l’idée est d’être un trait d’union entre les malades d’un cancer, du diabète ou de problèmes cardiovasculaires, les coachs qui peuvent les épauler et les organisateurs de courses qui peuvent offrir des dossards. « Alors peut-être », formule que j’avais utilisée sur une course, résume cette idée : si l’on tend la main, on peut aider des gens qui souffrent d’une affection longue durée à prendre goût au sport et à réaliser des objectifs dont ils se pensaient incapables. »