Ludovic Levêque : « j’ai décroché mon t-shirt noir sur le Norseman »

L’Angevin Ludovic Levêque est venu à bout du terrible Norseman. 3,8 km de natation dans l’eau glacée d’un fjord norvégien puis 180 km et 3 800mD/+ de vélo et un marathon musclé de 1 800mD+ pour finir. En 15h30’, il a décroché son graal : le t-shirt noir du finisher. 

Bergen, le 31 juillet. A peine atterris, nous prenons la route pour notre camp de base, une petite maison située à Kinsarvik, en face du fameux Eidfjord où je nagerai dans quatre jours. Dans cette aventure norvégienne, j’ai embarqué Elise, ma compagne et support-runner, ma mère, mon père, conducteur de la voiture suiveuse, mon cousin, Bertrand, support-runner, sa femme Manira et leurs enfants. Jérôme Vaglio, mon coach physique et Bastien Pla, mon coach diététique me suivent depuis la France. 

Cap sur le Grand Nord

Ludovic Levêque fait partie des rares français finishers du terrible Norseman, Ironman disputé en Norvège.
(Photo by Alexander Koerner/nxtri.com)

Il est temps de goûter l’eau fraîche du Grand Nord. Allez, 20 minutes de baignade dans le fjord. L’eau est à 14°C. Pas si froide finalement… On enfourche ensuite les vélos pour reconnaître les 40 premiers kilomètres et faire tourner les jambes. Les sensations sont bonnes.   

2 août, tic tac, tic, tac plus que 24 heures. L’excitation monte. Je récupère mon dossard et mes bracelets puis j’assiste au briefing d’avant-course. La vidéo des éditions précédentes donne la chair de poule. Dans la salle noire, nous sommes 200 concurrents. Et personne n’en mène large. Car demain, ce sera nous…

Je prépare mes affairesvec Elise, ainsi que chacun de nos sacs pour la partie trail avec le matériel obligatoire. Le reste de la famille équipe les voitures et gère les repas. Nous serons en complète autonomie, tout doit être méthodiquement planifié. 

5h, le coup de corne du Norseman

Ludovic Levêque fait partie des rares français finishers du terrible Norseman, Ironman disputé en Norvège.
(Photo by Alexander Koerner/nxtri.com)

Samedi 3 août, c’est le grand jour. Le réveil sonne à 1h du matin. La nuit fut courte mais j’ai réussi à fermer les yeux. Nous installons le vélo dans le rack et préparons mes affaires de natation. Le ferry est là. Il me fait autant peur que rêver. J’avoue, j’ai la boule au ventre. J’embrasse tout le monde et embarque pour une courte traversée.

Le ferry s’arrête, un jet d’eau s’actionne au fond pour nous éviter le choc thermique. La gueule arrière du navire s’ouvre sous les applaudissements. Fierté, peur, magie, tout cela se mêle jusqu’à ce que je saute…

Un big jump puis je rejoins les kayaks de l’aire de départ. Sept ans que j’attends ce moment ! C’est indescriptible. Et pourtant les 5 minutes d’attente, dans l’eau à 10°C,sans bouger me paraissent une éternité. Je tétanise. 

A 5h pile, la corne retentit. Les pagaies se lèvent ; c’est parti ! « Go. Pose ta nage et sors de l’eau  », voilà ce que je me dis. La natation, c’est mon point faible. Je perds des places d’entrée et termine les 3 950 mètres en 1h17. Satisfait. Sauf que les autres sont des torpilles, du coup je pointe 218esur 290 concurrents à cette première transition. Bon, le t-shirt noir est encore loin… 

Sur le vélo, les jambes à bloc, le ventre en vrac

Elise m’attend au parc à vélo. Je suis tremble comme une feuille. Grâce à son aide, je fais au plus vite pour m’habiller. La route est encore longue. 185 km à rouler, avec 3 816mD+ pour commencer. Je pense pouvoir doubler 50 à 60 concurrents. Je gère les 25 premiers km sans assistance, et remonte bien. J’ai les jambes, tout roule.

Au 25ekm, je pointe dans les 160 premiers. Je retrouve mon équipe, m’alimente, puis sans aucune raison, mon abdomen gonfle comme un ballon. Problèmes intestinaux et pauses « obligatoires »… Du coup forcément, kje perds du temps. 173eplace. Le moral en prend un coup.

Pour la première fois, je doute. Vais-je terminer ? Je me ressaisis, boosté à distance par Jérôme et Elise et Bertrand. A force de volonté, de chocolat et de coca, la niaque revient. Je pose le vélo en 163een 7h14. Transition rapide en 2’30’’ toujours grâce à Elise, qui me fait carrément mes lacets. 

Maintenant, le marathon

Place au marathon : 42 km et 1 816mD+ sur les sentiers à pied à présent. J’ai une idée fixe : gagner au moins cinq places. Je suis confiant. La course, c’est mon point fort. Après 10 km, je pointe 151e. Je gère. Sauf que, galère, mon intestin débloque. La valse recommence.

Le rythme est plus lent que prévu mais j’avance. Devant moi, certains craquent, marchent. On est tous dans le dur. J’arrive au pied de Zombie Hill (25ekm) en 133e position. Nickel. Elise enfile son sac Camelbak, prête à en découdre à mes côtés. On avance en compagnie de Benjamin, un autre Français, et son support-runner. On attaque les 7 km les plus raides ensemble. Ça monte en permanence, minimum 7%, et on double un maximum. Le rythme est soutenu, l’ambiance bonne. Le cut-off se situe au 32,5ekm. 

Irai-je au sommet ?

Ludovic Levêque fait partie des rares français finishers du terrible Norseman, Ironman disputé en Norvège.
©Kai Otto Melay

Seuls les 160 premiers pourront poursuivre vers le sommet… Est-ce que j’en serai ? Gros stress. Puis gros ouf, arrivé à la tente, on m’annonce 121e. Quel bonheur ! Après toutes mes galères, je suis dans les 160 premiers. A moi le t-shirt noir. Photos, larmes embrassades… Puis Elise me recadre : la course n’est pas finie !

Encore 10 km, direction le sommet du Gaustatoppen. Je suis à bout. Et on grimpe encore. Je râle, me plains, tout en marchant. Ckeckpoint : le staff vérifie mon matériel, ma lucidité et m’ouvre la voie vers le final, un chemin tout en pierres et rochers.

Une soupe aux larmes

J’ai tellement donné pour arriver jusqu’au 32,5ekm que à ce moment précis, je suis cuit. Plus de jus. Plus de force pour lever les pieds. Plus de lucidité – est-ce qu’on me double, est-ce je double ? je ne sais plus… Elise devant, Bertrand derrière, ça tourne. Moi, au milieu, je regarde dans le vide. Ce foutu sommet n’arrive jamais !

Sans eux, je ne sais pas si j’aurai eu le courage de finir. Pas après pas, la dernière crête arrive, puis on grimpe encore des marches, puis un tapis. Ah, cette fois, c’est l’arrivée, la vraie. On se met à pleurer tous les trois. Je ressens de la fierté et de l’émotion en chacun d’entre nous. Un moment inoubliable.

On me tend un plaid, du pain et de la soupe que je noie dans mes larmes. Je pleure comme une madeleine sans m’arrêter que déjà, il nous faut redescendre. J’aurai droit au funiculaire. Elise et Bertrand iront à pied, un peu dégoûtés, même s’ils ont finalement adoré ce moment ensemble.

Vaseux mais heureux 

Dans la télécabine, je m’endors. J’ouvre l’œil en bas, vaseux mais heureux comme jamais. Le Norseman, c’est fait ! Après tant de sacrifices, place aux réjouissances. Un plat de pâtes tous ensemble, un gros dodo puis ce sera la cérémonie des t-shirts.

Le lendemain, nous remontons donc Zombie Hill, en voiture cette fois. Je suis à fond, excité comme un gosse. Je peux vous dire que ce t-shirt noir, je vais l’encadrer sitôt rentré à Angers ! Je suis tellement fier. Avec ma famille, nous face au Gaustatoppen prendre des dizaines de photos pour immortaliser l’instant. Un rêve s’est réalisé pour moi ce 3 août. Un rêvé éveillé. Un rêve partagé. L’Xtreme Triathlon est un sport d’équipe.