Nicolas Navarro : « je ne pensais pas atteindre le haut niveau un jour »
Nicolas Navarro, révélation des J.O de Tokyo, 5e des Championnats d’Europe cet été est le plus autodidacte de nos champions. Cet athlète d’Aix-en-Provence n’a pas fait « ses classes » sur le tartan. Il s’est mis à courir juste pour le plaisir et vise désormais le top 10 des J.O de Paris 2024.
Nicolas Navarro, vous terminez en 2h10’41 » le marathon des championnats d’Europe à Munich le 15 août dernier malgré avec une chute à mi-course. Racontez-nous…
« La course s’est très bien passée jusqu’au 24e km où j’ai été bousculé. Je me suis retrouvé par terre. Ensuite cela a été un peu plus compliqué car il a fallu que je fasse un gros effort pour revenir. Mentalement, cela déstabilise. Il a fallu se reconcentrer, ce qui n’a pas été facile à gérer. Sur la fin, on était encore 6 ou 7 à pouvoir gagner à quelques kilomètres de l’arrivée. Cela s’est joué à la fraîcheur car nous étions tous complément morts sur le sprint final. Il ne m’a pas manqué grand chose pour être sur le podium, c’est dommage… »
Ce chrono en 2h10’ est une belle confirmation après votre le marathon olympique de Tokyo terminé en 2h12’50’’, à la 12e place.
« Oui malgré cette fin de course compliquée à Munich, je suis content car cette 5e place vient confirmer mon résultat sur les derniers J.O. J’avais terminé dans le top 5 aux Europe l’an dernier, je reste dans le top 5, c’était l’objectif que je visais. Cela montre aussi que je suis présent sur les championnats. »
Au moment des J.O de Tokyo, vous travailliez à plein temps. Mais depuis vous êtes passé coureur professionnel. Cela change tout ?!
« Jusqu’à l’an dernier, je travaillais en effet chez Decathlon. Pour mes gros objectifs, je posais donc des congés sans solde. En septembre dernier, j’ai rejoint la SCO Sainte-Marguerite, avec un partenariat avec les Pompiers du 13. C’est grâce à eux que je vis aujourd’hui de la course à pied. Ma vie a clairement changé ! Avant, il fallait tout cadrer entre boulot et entraînements. Désormais, j’ai plus de temps, notamment pour faire de la kiné, de l’ostéo, ce que je négligeais avant. Soigner sa récup’, c’est aussi important pour progresser quand on enchaîne les kilomètres. »
Nicolas Navarro, pensiez-vous atteindre un jour ce haut niveau ?
« Pas du tout ! Quand j’ai commencé, je voulais juste pour me faire plaisir sur les courses du coin. Je me suis vite au jeu des chronos, en terminant souvent devant et en progressant à chaque fois. Le plaisir ne m’a jamais quitté depuis. »
Avant d’être marathonien, vous aviez entamé une carrière cycliste qui a tourné court…
«Oui, j’ai commencé le cyclisme à 11 ans et arrêté à 18 ans après une mauvaise chute. Je m’étais fracturé trois vertèbres. Cela m’a stoppé pendant trois mois. Je n’ai pas repris ensuite, même si je roule toujours beaucoup. Je me suis tourné vers la course, moins chronophage, aussi pour suivre mon grand frère (Julien Navarro, ndlr) qui faisait du trail. J’ai touché un peu à toutes les courses locales, en alternant 10 km, semi et trails les week-ends. »
Votre premier marathon, c’était où et quand ?
« A Montpellier en 2013, un an après mes débuts en course. J’y étais allé au feeling, juste pour le défi, sans prépa spécifique. J’avais bouclé en 2h28’, adoré cet effort long et l’ambiance. Depuis, le marathon est devenu ma distance de prédilection. »
Votre progression a été constante sur marathon, de 2h28’’ à 2h08’. Gagner 20 minutes en dix ans, c’est beau !
« Merci. J’ai réussi à m’améliorer un petit peu à chaque fois, en collaboration avec mon entraîneur. Cette progression a été linéaire car très progressive. Nous n’avons pas brûlé d’étapes en voulant aller trop vite ou en augmentant trop le volume. Cela a pris du temps, mais cela paye maintenant ! »
Une journée type pour vous, cela ressemble à quoi ?
« Toute la semaine, je fais deux ou trois entraînements par jour. Avec la musculation et la kiné, c’est rythmé, on ne s’ennuie pas. Le week-end, je fais une sortie longue seulement. En volume, je tourne à 230 km les grosses semaines de préparation marathon, et autour de 150 km à 180 km le reste du temps. »
Nicolas Navarro, votre record sur marathon est en 2h08’29’’. Quel chrono visez-vous à moyen terme ?
« A Séville en février dernier, je visais le record de France de Benoit Z (2h06’36’’). J’étais sur les bases de 2h06 pendant 30 km mais je n’ai pas tenu sur la fin. Depuis, Morhad Amdouni l’a amélioré à Paris (2h05’22’’). L’objectif reste le même : descendre le chrono. Je sais que je peux gagner du temps. Il m’a manqué un cycle d’entraînement complet sur ce marathon. J’étais mieux préparé pour Valence, que j’aurai dû courir en décembre dernier mais j’ai dû y renoncer suite à une blessure aux ischios. »
Retournerez-vous à Valence en décembre prochain ?
« Je ne pense pas. Mon prochain gros objectif, c’est la qualification pour Paris 2024. On ne sait pas encore quand la sélection ouvrira. Si c’est en février, cela ne sert à rien que je vise un gros chrono en décembre à Valence, je retournerai alors plutôt à Séville mi-février. C’est encore indécis pour l’instant… »
Nicolas Navarro, l’équipementier On vous accompagnera jusqu’aux prochains J.O. Racontez-nous cette collaboration.
« Je testais les produits On depuis quelques mois déjà, notamment la nouvelle paire en carbone. Il m’a fallu un peu de temps d’adaptation pour m’assurer que la paire me convenait bien. J’étais chez un autre équipementier (Nike, ndrl) depuis un certain temps. Je me suis rapidement habitué, avec des chronos identiques à l’entraînement. Le projet m’a aussi séduit car je participe aussi au développement de la prochaine chaussure et c’est intéressant. »
Nicolas Navarro, un chrono rêvé pour les prochains J.O de Paris 2024 ?
« Après ma 12e place à Tokyo, je rêve forcément de faire mieux en 2024, avec un top 10. Si j’ai la chance d’y être, il y aura une émulation très forte entre les Français qui courront à domicile. A Tokyo, j’avais couru seul, sans mes proches. A Paris, ils seront là, c’est un fort soutien pour moi. Je vais tout faire pour me rapprocher de la première place, même s’il faut rester lucide, on ne va pas jouer le premier rôle… »
Quelle est votre séance fétiche sur marathon ?
« Les sorties longues, forcément, il faut aimer le long sur marathon. Je monte jusqu’à 40 km. C’est là qu’on peut jauger si la forme est là ou pas. J’aime aussi bien les séances sur piste. Je me mets derrière mon coach à vélo, je n’ai pas à réfléchir, juste à le suivre et j’aime aussi cet effort. »
Quels conseils donner à ceux qui rêvent de battre leur record sur marathon ?
« Je dirai d’abord de toujours garder la notion de plaisir, c’est essentiel. Ensuite y aller progressivement. Il ne faut pas saquer sa prépa en 10 ou 12 semaines en attaquant pieds au plancher. Le jour J, il faut aussi en garder sous le pied jusqu’au 30e km. On doit courir les deux premiers tiers facilement, comme si c’était de la balade ou presque, sinon on gardera un mauvais souvenir de son marathon et cela n’est pas le but. »
Avez-vous déjà frappé le mur du marathon ? Avez-vous des conseils pour l’éviter ?
« Oui, à Séville, j’ai pas mal ralenti sur la fin de course. Je pense que ce mur est juste musculaire. Il ne faut donc surtout pas se griller en partant trop vite. Il faut aussi bien se ravitailler, dès le 5e km en s’hydratant systématiquement. »
Un mot pour conclure sur la grosse performance de votre compagne, Floriane Hot, sacrée championne du monde des 100 km avec un nouveau record d’Europe à la clé (7h04’03’’)?
« Ce qu’elle a fait, c’est très très fort. Je suis super fière d’elle, et tous ses proches le sont aussi. Elle a impressionné énormément de monde et s’est même impressionné elle-même je pense ! »
Un couple de champions vit dans l’émulation ?
« Oui, clairement, on se tire clairement vers le haut à l’entraînement et on se soutient aussi en dehors des séances. C’est vrai que je pense que je sois à haut niveau avant Floriane, cela l’a boosté et lui a montré qu’en travaillant, elle pourrait aussi faire des grandes choses. Et elle l’a prouvé très rapidement. C’est que du positif ! »