Michel Bach, un monument
Figure emblématique de la planète running, Michel Bach retrace sa vie toute en relief dans un livre choral en forme d’hymne à la joie. Ce drôle d’oiseau y célèbre la vie, les gens qu’il aime tant, et la beauté du monde qu’il arpente depuis 40 ans en courant déguisé, avec sa célèbre Tour Eiffel notamment.
Un monument assurément, Michel Bach. On le connaît d’abord pour sa fameuse Tour Eiffel. De New York à Londres en passant par Barcelone, Dublin et bien sûr Paris, il a couru avec elle les plus grands marathons, se faisant ainsi meilleur ambassadeur de la France.
12 kilos sur le dos pendant des heures…
L’emblème est fort, le déguisement imposant. 3m20 d’envergure et 12 kilos pour sa grande dame, réplique au 1/100e de l’originale. La sienne n’est pas en fer mais en carbone et escamotable pour faciliter son transport. Car elle voyage régulièrement depuis près de vingt ans.
L’an dernier, à 77 ans, Michel Bach a embrasé le Strip, célèbre boulevard de Las Vegas. Six heures de parade, une formidable standing-ovation, mais tout sauf une simple balade… Car porter un monument sur son dos, est pour le moins contraignant. Mais l’homme, plus tout jeune et bien frêle – 1,83 mètres pour 60 kilos tout mouillé – est diablement endurant, toujours partant pour s’amuser.
Ce déguisement totem l’a rendu célèbre, amusant les coureurs dans le monde entier. Mais sa malle à carnaval déborde d’autres costumes originaux, tous patiemment confectionnés par ses soins.
Une vie haute en couleurs
Depuis 40 ans, ce joyeux drille promène sa malice en arc-en-ciel en se permettant toutes les fantaisies. Pourquoi donc se prendre au sérieux ? Il cavale ainsi à l’envi en marquise, papillon, montgolfière, pirate ou fille de petite vertu. C’est selon, à l’inspiration. Un rien provoc, il assume ses accoutrements les plus délirants, qui ont fait jaser sur les grandes épreuves du calendrier. Au Médoc, à Paris, Millau, Caen comme ailleurs.
Ce printemps, ce drôle d’oiseau sort un livre. Pour laisser une trace de ses frasques, mais surtout célébrer l’amitié et la course à pied. Fruit de longues conversations avec son ami journaliste Pascal Pioppi, l’ouvrage, jubilatoire, rassemble des centaines d’anecdotes de potes et de nombreuses photos souvenirs. Le ton est volontiers léger, mais le propos profond reflétant sa personnalité, rare et bourrée d’humanité.
Un drôle d’oiseau à plumes sur les sentiers…
« La connerie n’a pas de limite, c’est dans ce domaine que j’ai le plus de foncier et là, je peux encore faire des podiums !», lâche-t-il ainsi au détour d’un chapitre.
A bientôt 80 ans, il a encore des « bêtises à faire », n’ayant pas vu le temps passer, trop occupé à croquer la vie à petites foulées sur les routes comme les sentiers.
Car Michel Bach est aussi un grand bourlingueur, fan de raids aventure de tous genres. Sur les sentiers, une autre signature, un chapeau orné de plumes et de grigris, souvenirs de ses épopées. Avec ce couvre-chef porte-bonheur, il s’est ainsi baladé sur les plus grandes épreuves d’ultras.
En France (Diagonale des Fous, 6 000D, Ultra Marin…), mais aussi à l’étranger, au Sri Lanka, en Amazonie, en Guinée, au Cambodge, en Inde, sur l’île de Java ou encore en Grèce. En 2000, le Spartathlon, non-stop de 246 km reliant Athènes à Sparte fut son périple le plus exaltant. En 35h49’ d’efforts continus, il est allé au bout du bout de lui-même.
23 médailles du Marathon de Sables
Dans sa longue liste de courses, le Marathon des Sables tient une place de cœur. Michel Bach totalise 23 participations. La première en 1987, une vraie révélation, la dernière en 2016. Peinant à s’alimenter pendant l’effort, il en même est le recordman involontaire de perfusions. Mais cela ne l’a pas empêché de vivre chacune de ses traversées du désert avant tout comme une aventure humaine extraordinaire.
Course, partage et voyage, combiner ce tiercé a pour sûr changé sa vie, il y a près de 40 ans. Ce père de trois enfants est parti de rien. Ancien camelot vendant des breloques sur les marchés, il est devenu chef d’entreprise, puis a investit dans l’immobilier. Cela l’a rendu privilégié. Il fait le choix de prendre une retraite anticipée.
« A 40 ans je pouvais casser la baraque en amassant encore plus de fric mais j’ai senti qu’il me fallait vivre autre chose, en allant à la découverte du monde et des gens. Le bonheur pour moi, c’est cela. », résume-t-il.
Quand a-t-il commencé à courir ? Dans les années 80, à l’aube de la quarantaine donc. Avant, l’homme courait plutôt après les femmes. En courant, il s’est vite donné à fond, avec un certain goût pour la compétition, cumulant alors 5 000 kilomètres par an, avec de jolis records (1h17’ sur semi, 2h50′ sur marathon). Déguisé bien sûr, depuis (presque) le premier jour.
Très vite, les aventures au long cours lui ont fait du pied. Celles de ses amis Patrick Bauer, fondateur du Marathon des Sables et d’Alain Gestin, organisateur de non-stop (333 au Niger ou 222 au Sénégal) notamment. Mais il s’est aussi organisé des « off », en traversant la Vallée du Nil, en reliant Chicago-Los Angeles en relais, ou encore, en effectuant plusieurs Paris-Honfleur.
Le cancer, une course sans dossard
En 2010, cet amoureux de la vie a été rattrapé par la maladie. Cancer agressif de la gorge. Pas de quoi entamer son éternel optimisme, résumé en un invariable mantra : « un jour de bon, un jour de mauvais, c’est deux jours de passés ».
Reste qu’il a vécu de longs mois du bout des lèvres. Quatre interventions chirurgicales lourdes, douze semaines de radiothérapie, six semaines de chimio… « Ce cancer, ce fût une épreuve supplémentaire à laquelle je ne m’étais pas inscrit. Mais je n’avais pas le choix dans cette nouvelle course. Je savais que cela n’allait pas être une promenade de santé », commente-t-il.
50% de chance de s’en sortir, lui a t-on asséné. Une chance sur deux, saisie à bras le corps, fort d’un mental gagnant. « Un sportif possède un second souffle, en tout cas, face à la maladie, j’ai tout fait pour m’en sortir. Le moral agit sur le physique, je l’ai vérifié. Une fois remis sur pieds, j’ai repris mes conneries avec ma Tour Eiffel sur le dos et les grands raids », raconte-t-il à propos de ce cancer vaincu.
Des rêves plein la tête
Aujourd’hui, ce globe-trotteur a fait un trait sur les non-stop, trop exigeants, mais rêve encore d’échappées belles en terres inconnues. Pourquoi pas l’Australie, ou la Guinée. Michel trottine désormais pour s’entretenir, accompagné de Sylvie, sa compagne, de toutes de ses aventures.. « Je cours tant que j’ai encore la force de le faire mais uniquement par plaisir, parce que je suis encore vivant. Je profite simplement car je sais qu’à un moment, je ne pourrai plus… »
Ça n’est pas pour demain. Le 10 août prochain, Michel Bach rêve de courir le Marathon pour Tous des Jeux Olympiques. Avec sa Tour Eiffel bien sûr, pour une longue parade symbolique, la dernière, en forme d’apothéose. Mais pour l’heure, les jeux ne sont pas faits, car les dossards pour ce rendez-vous historique se font bien rares…
Quoi qu’il en soit, on le retrouvera ensuite sur le Marathon de Marne et Gondoire, en Seine-et-Marne. Et oui, ce joyeux coureur est aussi un gentil organisateur. Depuis 17 ans, avec une bande d’amis, il organise des épreuves champêtres (maratrail, relais et 12 km, et courses enfants) autour du Parc du château de Rentilly, réputées pour l’ambiance débridée. Cette année, ce Marathon de Marne-et-Gondoire, habituellement calé au printemps aura exceptionnellement lieu le 29 septembre.
Avant cela, un passage obligé par le Médoc, incontournable ! Pour Michel, une 28e participation à ce marathon festif inimitable. Le déguisement n’est pas encore conçu sur le thème ‘faites vos jeux’, mais on peut compter sur lui pour figurer en guest-star de ce grand canarval.