Marathon de Rome : cours-la comme Bikila
Ce Marathon de Rome a vu défiler 11 000 marathoniens autour du Colisée. Parmi les Français présents, Alexandre Delore raconte son marathon au cœur de la ville éternelle, sur les traces du champion Bikila.
« Ecco ci siamo ». Nous y voilà ! A Rome ce 19 mars, c’est jour de marathon et de mes 48 ans. La veille, j’ai la chance de me promener en compagnie de mes cousins italiens Cristina et Massimo sur la via Appia Antica. Un lieu saisissant d’Histoire où l’Ethiopien Abebe Bikila forgea sa victoire au marathon des Jeux Olympiques de 1960. Un vrai décor de théâtre avec ses « sampietrini », les pavés romains, bordés de pins parasols et de catacombes.

Tous les chemins mènent au Marathon de Rome…
Abebe Bikila, premier africain champion olympique, qui signifie « la fleur qui grandit », a suscité en moi la vocation du marathon il y a 20 ans. J’ai couru mon premier marathon le 30 mars 2003 à Lyon. Je m’étais alors juré de venir sur ce Marathon de Rome pour courir, là où tout a commencé.
Au petit matin de la course, près du Colisée, mes cousins me souhaitent bonne chance. « in bocca al lupo » ! Massimo a déjà couru des semi-marathons mais jamais de marathon. « Quale la differenza ? » me demande- il ? « C’est deux fois la distance, les douleurs en plus », en rigolant ! Je vis un rêve éveillé. Un départ au milieu des ruines de la Rome antique, l’hymne italien « Fratelli d’Italia », la patrouille aérienne d’Italie au- dessus des 11 000 marathoniens. Je croise beaucoup de coureurs internationaux. Des athlètes grecs, hongrois, ukrainiens, allemands au départ de ce Marathon de Rome.

L’entame de la course, avenue des Forums Impériaux, est prudente avec les meneurs d’allure des 3h10’. Puis au bout de 30 minutes porté par de bonnes sensations, je m’élance devant. Je me sens plus libre, à mon propre rythme et me ravitaille régulièrement sans risquer les bousculades. Je joue crânement ma chance sur les bases de 3h07’-3h08’ avec mes 50 bornes hebdomadaires ces dernières semaines.
Des relances, des monuments et des pavés

Le tracé du marathon de Rome n’est pas des plus faciles. Il y pas mal de relances en une succession de rues et d’avenues plus ou moins bien asphaltées au coeur de cette ville éternelle. Et surtout les fameux « sampietrini », ces pavés irréguliers pour environ six kilomètres au total.
Les bornes défilent à allure constante avec quelques lieux emblématiques traversés. On longe les thermes de Caracalla et la place St Pierre, emprunte de belles avenues le long du Tibre. Il y aura aussi un passage près du stade Olympique et un final dans le centre historique avec ses célèbres places del Popolo, Spagna et Navona.
L’esprit ne commande plus le corps

Je passe le 30e kilomètre en 2h13’. Le Mur tant redouté. Les douleurs musculaires commencent à poindre. J’ai apporté avec moi les ondes positives de Laurence et des filles, ainsi que les encouragements des proches, amis et copains de l’Entente Sud Lyonnais, mon club. Malgré 14 marathons au compteur, l’expérience ne suffit pas.
Les réserves en glycogène s’amenuisent. Les ondes de choc successives au sol tendent de plus en plus les bras et épaules, jusqu’aux cervicales. Les cuisses semblent peser trois tonnes. L’esprit ne commande plus le corps et la Roche Tarpéenne n’est pas loin du Capitole. Le masque de la souffrance apparait. Je suis un marathonien ordinaire sur une distance qui ne l’est pas. Mais le marathon se gagne lorsqu’il s’achève. Alors je prends mes jambes à mon cou malgré l’allure ralentie…
La fleur qui grandit
Dans les deux derniers kilomètres (km 40 en 3h),, l’ambiance est fantastique avec un public très présent. Je profite de l’instant présent. Je reconnais les cris d’encouragements de mes cousins au moment d’entamer le sprint final. Un faux plat-montant Piazza Venezia, face au Monument Victor Emmanuel II.
Quel pied cette ligne d’arrivée avec vue sur le Colisée ! Je boucle en 3h11’. Larmes d’émotions. Tous ces entraînements hivernaux, cette somme de petits efforts pour le grand effort le jour J. Et dire que tout avait débuté il y a 63 ans, tout près d’ici, au pied de l’Arc de Constantin, dans une fabuleuse nuit romaine, grâce à l’homme aux pieds nus, « la fleur qui grandit ».