Lootie Run : plus de 26400 km autour du monde
Lootie Run court toujours ! Après 26 400 kilomètres et 4 continents traversés en plus deux ans, Marie Leautey, touche au but. A Sydney, le 30 août, cette Rouennaise de 45 ans décrochera deux « World Records ».
Pendant que vous lisez ces lignes, Lootie Run court à l’autre bout du monde. Depuis plus de deux ans, Lootie alias Marie Leautey enchaîne un marathon par jour.Elle est partie le 6 décembre 2019 du Sud du Portugal et vient de dépasser les 26 400 kilomètres, sur le quatrième et dernier continent de sa grande traversée, l’Australie. 245 000 mètres de dénivelé positif cumulés, soit 27 fois l’Everest jusqu’à présent. Au final, cela fera 698 marathons cumulés en 813 jours. De quoi affoler son compteur Strava !
Deux records du monde pour Lootie Run
Voyageuse en quête d’aventure, cette directrice financière de 45 ans, qui a notamment vécu en Grèce et à Singapour, a tout plaqué pour vivre son rêve en courant.
Le 30 août prochain, lorsqu’elle ralliera Sydney, Marie décrochera deux « World Records » homologués par la World Runners Association. Cette Normande aura ainsi réalisé le tour du monde en courant féminin le plus rapide. Et ce sera la seule femme au monde à avoir traversé les 4 continents, d’océan à océan, en courant.
L’ultrafondue rejoindra ainsi un club très, très fermé. En effet, cinq hommes – dont le Français Serge Girard – et une femme ont jusqu’à présent réussi ce défi. L’Anglaise Rosie Swale-Pope, 72 ans aujourd’hui, avait elle mis cinq ans à traverser les trois continents de l’hémisphère nord. Son témoignage, Little run around the world, a d’ailleurs beaucoup inspiré Marie Leautey.
21 000 km en autonomie totale
Qui elle a poussé le « bouchon » bien plus loin. Puisqu’elle s’est engagée dans ce tour du monde en solitaire et en autonomie. « Pendant les 21 000 premiers kilomètres, j’étais en solo complet. Je poussais mon équipement, un sac de 12 kilos, dans ma poussette BoB qui pèse aussi 12 kilos. Pour la traversée des Andes en Amérique du Sud, je savais que j’aurai besoin d’aide, car courir du niveau de la mer jusque 4 000mD+ avec une poussette de 30kg à bout de bras ne me paraissait pas faisable. Mon ami James s’est porté volontaire. Et puis il s’est prêté à l’aventure et m’a suivi en Australie. Il conduit un petit camping-car d’un jour sur l’autre et roule à vélo de son côté, pendant que je cours mon marathon. Il fait son propre voyage à mes côtés, et ça fonctionne super bien ! », raconte la Française.
Depuis son départ, Marie avance au rythme de 41 km par jour, avec un jour de repos hebdomadaire. Sa « séance » quotidienne variera en fonction des étapes, de 30 km à plus 60 km. En moyenne, 9,2 km/h, soit 4h30 d’efforts quotidiens.
Son marathon quotidien, entamé au lever du jour, lui laisse les après-midis libres pour visiter les environs. « Mon étape se termine à l’heure du déjeuner. Je prends une bonne douche, je file au bistrot du coin pour un bon repas accompagné d’une grande pinte de bière. Ensuite, je prends un temps pour écrire sur mon blog et actualiser mes réseaux sociaux avec un post et une vidéo, puis je fais un tour en ville, s’il y en a une, ou je pars avec James visiter un lieu qui vaut le détour. »
Un périple compliqué par le Covid
Au démarrage, le Covid a bien compliqué les choses. Pendant de longs mois, Marie a dû naviguer entre les frontières, ouvertes ou fermées, déviant de son parcours initial. « Je devais faire 7000 kilomètres en Europe initialement. Au final, j’en ai fait plus de 15 000 km sur ce premier continent. Cette traversée devait être une ligne droite mais elle a plus ressemblé à un plat de spaghetti », s’amuse-t-elle avec le recul.
Ce Tour du monde, Lootie Run l’a préparé pendant deux ans. Patiemment. Méthodiquement. Sans toutefois participer à un seul ultra. A son palmarès notamment, une dizaine de marathons ainsi que six Ironman. « Je bossais à plein temps comme directrice financière mais j’y ai passé tout mon temps libre en 2018 et 2019. Pour me préparer, je faisais tous mes allers-retours au boulot (20 km) en courant. J’ai aussi fait plusieurs « voyages marathons » en les enchaînant sur 3, 5 ou 8 jours d’affilée, en totale autonomie, avec ma poussette. J’ai aussi planifié toute la logistique, étape par étape, continent par continent, et cela m’a pris beaucoup de temps. Dans un grand fichier Excel, qui est toujours ma Bible aujourd’hui, j’ai tout listé ligne par ligne (départ, arrivée de chaque jour, km, dénivelé, magasins à proximité, hébergement, etc. »
En solitaire, mais solidaire
Autofinancée à 100%, Marie dédie son aventure à l’ONG Women for Women qui soutient la cause féminine à travers le monde. Elle invite aux donations via une cagnotte participative accessible en ligne (ICI).
Cette globetrotteuse se sent-elle l’âme d’une wonder woman ? Pas franchement. « J’ai conscience de vivre quelque chose de peu commun, mais au quotidien, cela ne paraît extraordinaire, même si c’est une expérience unique. Je pense que nous sommes beaucoup à pouvoir faire un tel parcours. Mais nous sommes surement peu à en avoir envie comme j’en ai envie. A avoir ce désir d’être dans le voyage aussi fort que celui qui m’anime », confie en substance la Normande. Chaque matin donc, depuis 780 jours, elle se lève avec le sourire. Prête à rempiler, avec une curiosité sans cesse renouvelée.
Pas une blessure, et un rythme très supportable
« J’ai le goût de l’effort mais pas de la douleur », précise l’ultra-runneuse. « Si ce voyage avait été synonyme de souffrance, de crampes, je ne l’aurais jamais fait. Car cela ne m’intéresse pas. Je le fait d’une manière confortable et supportable ».
Pas une ampoule, pas un pépin musculaire donc durant tous ces jours à écumer l’asphalte ! Enfin si, une blessure… aux doigts. A force de pousser son paquetage, Marie s’était bloquée la main en février 2021. « J’ai adapté mon guidon avec un peu de mousse pour plus de confort, et depuis, tout va bien », précise-t-elle, pour l’anecdote.
Pas contrariante, Marie s’adapte aussi côté alimentation. Burger-frites, pizza surgelée, coca, tout lui va. Mais pas de boisson isotonique, ni de barres protéinées à ses menus. D’ailleurs, en courant, Marie ne s’alimente pas.
L’imprévu fait partie du voyage…
Bien sûr, elle a connu des jours plus compliqués que d’autres. Avec parfois une météo contraire. Au plus, 40 degrés en Grèce en août dernier. A moins, -10°C sous la neige en Belgique en janvier 2021. Ses aléas climatiques, comme les imprévus font partie du voyage… Parmi ses anecdotes, ce jour où, au fin fond du Montana elle avait pénétré sans s’en rendre compte une « propriété privée ». « Crime de lèse majesté, sans le savoir, j’étais coupable de “trespassing”. Dans cet état, la loi est claire. Si je “trespasse” on peut me tirer dessus à balle réelle, sans justifier de la légitime défense. Et voilà que je tombe nez à nez avec un petit monsieur furieux, une arme à feu dans chaque main. Il se tourne vers moi, très agité et menaçant. Quand je réalise mon erreur, je vire à 180 degrés. Puis, les mains en l’air, poussant la poussette avec mes hanches, je cours aussi vite que je n’ai jamais couru en criant : “I’m sorry I didn’t know!”. Ce jour là, j’ai eu très peur ! », confie Lootie Run.
Cet épisode restera, on lui souhaite, l’unique mauvaise rencontre de son incroyable épopée. « Traverser le monde de cette façon, de 42km en 42km, à pied, à hauteur et à vitesse d’homme, permet d’avoir un regard unique, et de vivre une expérience du monde déclinée aux cinq sens », conclut-elle. Après son final à Sydney, Marie rentrera à Rouen, sa ville natale, le 11 septembre. Elle convie ceux qui le souhaitent à partager quelques foulées pour célébrer ses presque 700 marathons.