Le carbone pour les nuls, une mauvaise idée ?
Les champions battent des records avec des paires en carbone aux pieds. Mais attention, lorsque l’on est un coureur moyen, porter ces chaussures hyper-dynamiques peut conduire à la blessure.
Le carbone cartonne dans le running depuis deux ans. Hoka Carbon X, Nike Vaporfly et Nike Alphafly, Brooks Hyperion Elite, Adidas Adios Adizero Pro, Asics Metaspeed… Chaque équipementier propose désormais sa paire en carbone. L’intérêt ? Courir plus vite. Cette technologie fait l’effet d’un ressort et invite en effet à accélérer.
Pour autant, nous disons attention. Ces paires sont destinées aux compétiteurs capables de les « conduire » correctement. Chez le coureur « lambda » de milieu de peloton, la technologie carbone est exigeante. Pire, elle peut être source de blessures du fait de l’épaisseur de la semelle, de l’énergie renvoyée dans les jambes et ce d’autant plus que la distance parcourue sera longue.
Un risque avéré de blessures. Aurélien Clémenceau, kiné du sport à Angers spécialisé dans le suivi d’athlètes déplore en effet un grand nombre de consultations pour blessures ces derniers mois. Douleurs aux genoux, chevilles ou au dos pour des coureurs lents, souvent lourds, avec une foulée non adaptée (attaque talon) ayant utilisé ces paires promettant des records.
On a testé la Saucony Endorphin Pro : bluffante !
Nous avons donc voulu nous faire notre avis, avec une paire de Saucony Endorphin Pro. Un petit bijou de 200 grammes dont le look est beaucoup moins imposant que sa principale concurrente, la Vaporfly Next de Nike. L’impression de légèreté est surprenante. Habituée des Saucony Ride, côté chaussant et confort, je ne suis pas trop inquiète, je suis en « terrain connu ».
Premier constat, avec la plaque de carbone, la rigidité de cette Saucony endorphin Pro est maximale. Cela laisse présager d’un très bon retour d’énergie au sol même si l’appui est relativement doux. La chaussure bascule un peu le pied vers l’arrière ce qui donne envie de redresser vers l’avant et donc de faire un pas, puis un autre, avec la sensation de marcher sur un ressort. J’ai couru le duo du Marathon de La Rochelle avec cette paire au pied.
Par précaution, j’y ai inséré mes semelles orthopédiques ayant bien conscience que ces chaussures peuvent être synonyme de blessures chez une coureuse moyenne comme moi.
La sensation de légèreté est perceptible dès les premières foulées. Comme la plupart des modèles carbone, cette chaussure est faite pour courir vite et forcément, elle déploie tout son potentiel lorsque l’on augmente le rythme, ce que je fais un peu avant le 10ème km.
L’appui est effectivement très doux, et pour autant le retour d’énergie est très marqué, avec ce fameux « effet rebond » qui vous propulse vers l’avant. Impressionnant.
Le chausson reste très confortable malgré la finesse du mesh. On sent que la chasse au moindre de gramme a été faite, à tous les niveaux. L’amorti est présent grâce à la mousse PWRUN PB, ce qui permet d’enchaîner les kilomètres sans sourciller. En ce sens, elle est évidemment parfaite pour la distance marathon, ce pour quoi elle a notamment été conçue pour des coureurs rapides en quête de performance. Le laçage est classique, mais efficace, aucun signe de pression sur le cou-de-pied.
Mais attention tout de même, les pieds larges (et c’est mon cas) se sentiront un peu à l’étroit. Mon ongle du gros orteil droit a moyennement apprécié. Je me suis retrouvée avec un gros hématome de sang. Donc, en pointure habituelle la Saucony Endorphin Pro taille plus petite que la Saucony Ride. Il faut le savoir !
Oui, j’ai couru plus vite !
Et ce que j’ai couru plus vite ? Oui ! Enfin tout est relatif 5’50 au km sur 21 km. C’est un temps que je n’avais pas réalisé depuis très longtemps flirtant plutôt avec les 6’15 à 6’30 au km ces derniers mois.
Oui la chaussure a un puissant impact… psychologique ! Sans aucun doute, le fait de savoir qu’on les porte booste le mental et donc les jambes. Au-delà de cet impact psychologique, cette Saucony Endorphin Pro est ultra impressionnante dans le ressenti de la foulée et l’envie d’accélérer.
Ce phénomène est évidemment rendu possible grâce à la plaque en carbone, qui permet d’agir comme un effet de levier. Mais également et surtout grâce à la mousse présente dans le modèle. Elle permet de restituer l’énergie produite lors de la foulée, et donc d’améliorer la relance. Les mousses utilisées sur ces modèles à plaque carbone sont souvent très légères pour favoriser la performance. Le secret de ces chaussures ne réside donc pas seulement dans la plaque mais bien dans le mix entre la plaque et la mousse.
Nos réserves sur la technologie carbone
Oui, pourquoi pas une telle chaussure pour battre un record sur un 10 km quand on est un coureur moyen, mais un marathon, cela ne paraît pas une bonne option. Il faut aussi garder à l’esprit que ces paires en carbone sont chères, et avec une durabilité limitée. Maximum 300 kilomètres. De plus, il n’est pas conseillé de les porter en entrainement mais juste sur quelques séances avant son objectif de course.
Sur marathon, lorsque l’on n’est pas un coureur rapide, il faut avoir du « pied », c’est-à-dire savoir courir vite avec une foulée maitrisée et un pied qui ne s’affaisse pas. Ce n’est pas donné à tout le monde. Clairement, ce type de chaussures convient pour les coureurs expérimentés possédant une attaque médio-pied.
C’est d’ailleurs sur cette partie du pied que la technologie carbone est ciblée, afin d’améliorer le retour d’énergie et de limiter la fatigue musculaire. Un coureur amateur avec une attaque talon se sentira gêné par ces modèles très rigides, ce qui pourrait causer des problèmes de blessures.
D’une manière générale, on ne recommandera pas d’opter pour une telle paire sans l’avis d’un spécialiste : coach sportif, entraineur, vendeur spécialisé qui déterminera s’il y a un intérêt ou un danger (de blessure potentielle) à porter ce genre de chaussures sur une distance plus importante qu’un semi-marathon.