Hardrock 100 : exploits de Kilian Jornet et Courtney Dauwalter
La Hardrock 100 était la course la plus attendue du mois de juillet 2022 par les amateurs d’ultra-trail. Et elle a tenu toutes ses promesses. D’abord pour l’incroyable bras de fer entre Kilian Jornet et François D’Haene. Ensuite pour le retour de Courtney Dauwalter sur cette course qu’elle avait dû abandonner en 2021. Le spectacle a été total.
161 km à 3300 mètres d’altitude moyenne
Si la Hardrock 100 ne fait « que » 161 kilomètres pour 10 000 m de D+, soit moins que l’UTMB du Mont-Blanc par exemple, c’est son profil en dents de scie et son altitude qui la rendent si exigeante. Quand on sait qu’au-dessus de 2000m, les effets du manque d’oxygène se font sentir, imaginez courir à 3300 mètres d’altitude ! Et même gravir un sommet à plus de 4 280 m. C’est donc cet immense défi que propose la Hardrock 100 au départ de Silverton, dans le comté de San Juan, Colorado. Un ultra mythique ouvert chaque année à 145 coureurs soigneusement sélectionnés, et qui se court en alternance dans le sens des aiguilles d’une montre (le parcours le plus difficile, au menu cette année) ou dans l’autre.
Jornet / D’Haene : le duel des champions
C’était sans doute le duel le plus attendu de ce début de saison : les retrouvailles entre l’extraterrestre espagnol et le champion français, 5 ans après l’UTMB 2017 remporté par D’Haene devant Jornet. Un combat plein d’enjeux entre d’un côté le Français, vainqueur en 2021 et désireux d’établir un record du parcours dans ce sens horaire, et de l’autre l’Espagnol, 4 fois vainqueur en autant de participations, et qui n’était pas revenu sur la Hardrock depuis 2017. Un combat de marques également, entre le leader du team Salomon et celui qui a quitté le célèbre équipementier pour créer sa propre marque, NNormal, en mars 2022.
Une Hardrock 100 jusqu’au bout du suspense
Les amateurs de suspense auront eu droit à une course de rêve. Jusqu’à 12 kilomètres de l’arrivée, c’est-à-dire pendant près de 150 kilomètres, les deux champions n’ont jamais été distants de plus d’une minute. Au point que de nombreux observateurs se sont imaginé une sorte de statu quo implicite pour qu’ils franchissent la ligne ensemble, main dans la main. Sauf qu’aucun des deux protagonistes n’était dans cet état d’esprit. Au contraire, l’engagement était total, et la victoire appartiendrait à celui qui serait le plus costaud.
Et c’est dans les derniers kilomètres, en pleine nuit, que Kilian Jornet a su faire la différence, pour s’imposer de 5 petites minutes seulement. Cerise sur le gâteau, c’est le second membre de la team NNormal, Dakota Jones, qui monte sur la troisième marche du podium. L’Américain aura d’ailleurs été l’autre grand animateur de la course. Très en forme, il a accompagné les deux champions pendant plus de la moitié de la course, prenant même la tête et comptant jusqu’à 20 minutes d’avance, avant connaître un passage à vide et de rétrograder à la 3e place.
5e Hardrock, 5e victoire et record pour Kilian Jornet
En s’imposant en 21h36mn51s, Kilian Jornet enregistre donc une cinquième victoire en cinq participations, cinq ans après son dernier triomphe. Il bat également de plus d’une heure le record de l’épreuve dans le sens des aiguilles d’une montre, qu’il détenait depuis 2014 en 22h 41mn 33s. Il montre surtout que même s’il s’est focalisé depuis quelque temps sur des formats plus courts, type Zegama, il reste également le patron sur l’ultra-distance.
Courtney Dauwalter exceptionnelle
Si la course masculine a tenu les observateurs en haleine, il n’y a guère eu de suspense chez les femmes. Annoncée archi-favorite, Courtney Dauwalter a tenu son rang et dominé l’épreuve de bout en bout. Même si la concurrence était relevée, avec notamment l’expérimentée Darcy Piceu, triple vainqueur de l’épreuve de 2012 à 2014, personne n’a pu suivre le rythme effréné de l’Américaine. En gérant parfaitement sa progression, et surtout son alimentation (des problèmes gastriques l’avaient contrainte à l’abandon au 100e kilomètre l’an dernier), Dauwalter a réalisé une course parfaite.
Elle s’impose en 26h 44mn 36s, s’offrant au passage une fantastique 6e place au scratch. Elle pulvérise au passage de près de 2 heures le record de l’épreuve, détenu depuis 2010 par l’Américaine Diana Finkel en 28h 32mn 06s. Dauwalter bat même celui du parcours en sens inverse, également propriété de Diana Finkel, qui avait réalisé 27h 18mn 24s en 2009.
Stephanie Case 6 heures plus tard
Pour mesurer plus encore l’exploit de Courtney Dauwalter, il faut considérer les écarts qu’elle est parvenue à creuser. L’Américaine devance ainsi de plus de 6 heures la spécialiste de l’ultra-distance canadienne Stephanie Case, qui termine sa première Hardrock 100 en 32h 52mn 46s. Troisième féminine, l’Américaine originaire de Silverton Hannah Green signe un chrono de 34h 26mn 39s. Quant à Darcy Piceu, qui avait en 9 participations jamais fait moins bien que seconde, elle échoue cette année au pied du podium.