« Glucose revolution » : optimiser votre glycémie
Dans son livre culte Glucose Revolution, la biochimiste Jessie Inchauspé donne des clés pour limiter l’impact du glucose sur notre santé. Voyons comment optimiser sa glycémie, et l’intérêt que cette démarche peut avoir pour le sportif.
Le glucose est la forme la plus simple et biodisponible de ce qu’on appelle vulgairement le « sucre ». Les variations trop brutales de notre taux de glucose dans le sang (glycémie) ont une répercussion négative sur notre état général. Elles encouragent la production de radicaux libres responsables du stress oxydatif.
Cette glycation est responsable du vieillissement cellulaire (« cuisson » des cellules par le glucose) et le dépôt de graisse sous l’action de l’insuline. A tel point que Jessie Inchauspé considère dans son livre Glucose Revolution (édition Robert Laffont) « qu’agir sur notre courbe glycémique est le geste le plus efficace que nous puissions faire pour notre santé ».
Capteur de glucose, comment cela marche ?
Ce dispositif, à l’origine pour personnes diabétiques, permet finalement à quiconque (y compris le sportif) de suivre son taux de glucose en simultané et d’ajuster sa nutrition en fonction. Cela permet de constater en temps réel l’évolution de la glycémie sur 24 heures.
On dresse ainsi le journal de sa journée, en faisant se superposer les variations de glycémie avec les prises alimentaires ou les circonstances susceptibles d’avoir eu un impact sur sa cinétique comme l’activité physique. Les dispositifs les plus avancés du marché sont le fait de la firme Abbott. Il s’agit du capteur Freestyle Libre 3, destiné à l’origine aux personnes diabétiques et qui se fixe à l’arrière du bras pendant 14 jours (PV 65,90 €) et le capteur Supersapiens, plébiscité par les sportifs (abonnement annuel à partir de 150 euros).
Pourquoi aplanir la courbe glycémique ?
Un meilleur pilotage des pics et creux de glucose permet d’atténuer les conséquences délétères à long terme des radicaux libres, du stress oxydatif, de la glycation et des dépôts de graisses sur notre organisme. On les regroupe sous le terme générique « d’état inflammatoire ».
Cet état chronique et généralisé entraine des conséquences lourdes aussi bien physiques que psychiques. Parmi elles : difficultés de sommeil, fatigue chronique, fringales, prise de poids, affaiblissement des défenses immunitaires, maladies chroniques et cardiaques, dérèglements hormonaux, troubles de l’humeur, troubles cognitifs, migraines…
Réduire le sucre, plutôt que l’éliminer
Eliminer le sucre dans notre alimentation n’est pas chose aisée. Les aliments sucrés stimulent la production de dopamine, un neurotransmetteur dont la présence dans notre cerveau nous abreuve de bien-être. Une réduction semble plus réalisable. Elle permet de contenir l’augmentation du taux de sucre dans le sang après un repas à +30mg/dl (soit un plafond autour de 1,20mg/dl) .
Avec cela, le maintien d’une glycémie à jeun entre 0,7mg/l et 0,85mg/dl. Ces chiffres de Jessie Inchauspé sont un peu éloignés de ceux de l’Agence Nationale de Santé Publique qui préconise une glycémie à jeun entre 0,6 à 1mg/dl et un plafond après repas de 1,40mg/dl.
La réduction des pics de glucose, en plus de lutter contre l’état inflammatoire, favorise la réutilisation par l’organisme des graisses stockées et la satiété. L’explication est à chercher du côté d’un basculement de l’équilibre hormonal, notamment la diminution du couple insuline/ghréline (hormone de stockage/hormone de la faim) au bénéfice du couple glucagon/leptine (hormone de déstockage/hormone de la satiété).
Lutter contre la fatigue et les fringales
La réduction des pics de glucose constitue par ailleurs un angle d’attaque contre la fatigue chronique. Cette dernière s’installe insidieusement lorsque l’excès de glucose engorge nos fours cellulaires (mitochondries) et les empêche d’assurer leur fonction de base, à savoir produire de l’énergie. Il en va de même pour le système immunitaire, qui perd de sa virulence en cas de pics glycémiques répétés.
Plus le pic de glucose consécutif à l’ingestion d’un aliment est élevé, plus la chute est rapide et ample. Or, ce sont les chutes (pas les pics) qui activent la zone du cerveau responsable des fringales et donnent envie de consommer des aliments denses en calories. Et ce processus se déclenche dès que la chute de glycémie est supérieure à 20mg/dl (même lorsqu’elle démarre d’un niveau élevé).
Comment faire pour agir sur sa glycémie ?
– Consommer les aliments dans l’ordre inverse de leur contenu en sucres et de la vitesse de leur vidange gastrique
C’est-à-dire, les fibres d’abord, les protéines et les graisses ensuite, les féculents et les sucres en dernier. Cet ordonnancement peut être nuancé chez les sportifs. Nous lui préférons le suivant pour une meilleure assimilation des protéines : protides en premiers, fibres en deuxième, puis graisses féculents et sucres. Cet ordre permet de retenir plus longtemps les sucres dans la partie supérieure de l’estomac. Cela ralentit aussi l’action des enzymes responsables de leur dégradation et de freiner leur absorption intestinale (effet des fibres solubles).
– Augmenter sa consommation globale de fibres
Plus il y a de fibres présentes sur le repas, plus il y a de chances de freiner l’absorption du glucose. On peut ainsi miser sur une entrée à base de légumes crus. Il faut le plus possible privilégier les aliments frais, car les transformations industrielles conduisent souvent à une élimination de la majorité de leur contenu en fibres, quand elles ne s’accompagnent pas d’un rajout de sucres simples.
– Adopter un petit-déjeuner moins sucré
Les produits très transformés (céréales, biscotteries, pain de mie…) sont accusés de provoquer des pics très importants de glycémie, qui seront en réalité reproductibles sur chacun des autres repas de la journée. Le modèle de petit-déjeuner salé (protéines, matières grasses, fibres…) est l’alternative qui est préconisée.
– Privilégier le sucre à l’état naturel des fruits plutôt que les produits sucrés
Les fruits sont des sources de sucres simples (glucose, fructose) et combinés (saccharose, cellulose). Certes, les fruits que nous produisons aujourd’hui sont plus gros et plus sucrés qu’ils ne l’étaient à l’origine, mais le fait de les consommer en fin d’un repas riches en fibre réduit leur impact sur la courbe glycémique.
– Eviter les produits transformés riches en fructose
Le fructose (une autre forme moléculaire du sucre) augmente le stress oxydatif de façon plus importante que le glucose seul. Il génère ainsi une glycation 10 fois plus rapide. Par ailleurs, à la différence du glucose, dont la partie non consommée peut être affectée dans nos muscles ou notre foie pour servir d’énergie de réserve (le glycogène), le fructose en excès ne peut être transformé puis stocké qu’en graisse. La consommation d’aliments à la fois riches en glucose et fructose (produits sucrés transformés, saccharose, sirop de fructose…) est donc plus préjudiciable que celle d’aliments uniquement riches en glucose (maltose, amidons).
Réduire le glucose, quel intérêt pour le sportif ?
La réduction de la part du glucose dans l’alimentation est toujours pertinente, nous l’avons vu. Mais elle l’est encore plus chez le sportif. Le glucose arrive en bout de processus de nombreuses filières énergétiques de l’organisme. Il n’y a pas de risque de créer de carence car le glucose peut être produit à partir de nombreux substrats énergétiques comme les graisses et les protéines.
Mettre l’organisme en situation de manque ou amoindrir la disponibilité du glucose est donc un exercice intéressant. En effet, cela dépoussière des filières énergétiques et qui contribue à l’auto-nettoyage cellulaire. Pour le sportif, cela permet d’optimiser la filière lipidique, sans qu’il n’y ait de perte d’efficacité. A l’image d’une voiture hybride disposant de deux sources de carburants complémentaires.
Optimiser la réserve lipidique, deuxième carburant du sportif
En cas d’effort prolongé, le glucose peut venir à manquer. Il faut alors recourir à d’autres substrats énergétiques, notamment les lipides ou graisses, qui sont abondantes dans l’organisme et offrent un rendement très élevé. La réserve lipidique est de 300 g dans les muscles et 10 à 12 kg en moyenne dans les tissus adipeux.
C’est une ressource quasi illimitée, avec un réservoir de 100 000 Kcal et économique (1g de graisse fournit 9 Kcal soit 2 fois plus de calories qu’1g de glucide). Elle peut contribuer jusqu’à 50-60% de l’énergie consommée. Ainsi, à intensité équivalente, un athlète qui saura mieux mettre à contribution ses graisses de réserve que ses concurrents aura un avantage substantiel sur la durée.
Adapter sa stratégie nutritionnelle
La mise en jeu de la filière lipidique est cependant moins immédiate que celle de la filière glucidique, ce qui explique qu’elle ne soit pas privilégiée par l’organisme pour des efforts immédiats. Néanmoins, il est possible d’une part d’accélérer la disponibilité des graisses. Et d’autre part de repousser plus loin l’intensité au-delà de laquelle les graisses de réserve ne peuvent plus être mises à contribution. Cet effet d’adaptation survient lorsque la lipolyse (dégradation des lipides) est stimulée régulièrement par l’athlète.
La préparation nutritionnelle l’encouragera en limitant tous les comportements qui s’opposent à la lipolyse. On évitera donc la surconsommation d’aliments à index glycémique élevé, les grignotages, les aliments sucrés à l’effort. Autre avantage indirect, vous allez perdre de la graisse, ce qui diminuera votre consommation énergétique à l’effort. Car vous aurez ainsi moins de poids à porter. Et vous entrez alors dans un cercle vertueux !