Claire Bannwarth : de pile à face
Claire Bannwarth, surnommée ‘‘Lapin DuDuracell’’, est la nouvelle reine de l’ultra-trail. À son compteur : 20 victoires cumulées en 4 ans. Rencontre avec cette ancienne fleurettiste de haut niveau détonnante.
« Lapin DuDuracell », ce surnom, né d’une blague avec son mari, résume au mieux le profil de Claire Bannwarth. Cet athlète de 32 ans, qui vit à Huningue dans le Haut-Rhin court vite et très longtemps. Et comme la fameuse pile, personne ne lui ressemble. Dans la confrérie des « adorateurs de la borne », la plupart des membres ont connu une progression lente née d’une passion précoce. Cette sociétaire du Team Brubeck / Raidlight fait office d’OVNI. Un passé d’escrimeuse de haut niveau et une arrivée au top de l’ultra en quatre ans à peine.
« Jeune, j’ai pratiqué le fleuret en compétition sous les couleurs du Masque de Fer de Lyon. J’ai été sélectionnée en équipe de France à l’occasion des Mondiaux juniors d’Alcireale en 2008. J’ai poursuivi jusqu’à l’âge de 23 ans, participant à des Coupes du monde et atteignant le top 16 français chez les seniors. Mais avec mes études (classes prépas à Lyon, école des mines à Saint-Etienne) puis mon entrée dans la vie active en tant qu’actuaire (haute technicienne en compagnie d’assurance), tout ceci n’était plus possible. Comment s’entraîner à 18h alors qu’on finit le boulot à 20h…», explique la sportive originaire de Châlons-en-Champagne.
Une victoire pour son premier marathon
Dès lors, Claire Bannwarth se tourne vers la course. « Je courais déjà depuis l’âge de 9 ans. Au départ, c’était pour mes préparations physiques en escrime. Puis, lorsque je me suis installé en Ile-de-France, j’ai eu le choix : effectuer le trajet de mon domicile (Montreuil) à mon travail (Paris intra-muros) en métro ou en courant. J’ai pris la deuxième option». Dès lors, Claire parcourt chaque jour 35 à 40 kilomètres à allure modérée. Et y prend goût. « Courir tranquillement et longtemps, c’était fait pour moi ! J’ai évolué plusieurs années comme ça, en loisirs. Certains week-ends, j’effectuais même des sorties de 7 heures. Jusqu’au marathon de Reims en 2016. Placée dans le sas des 4 heures, sans aucune idée de mon niveau, j’ai terminé première féminine en 3h16 ».
L’UT4M, une révélation
Un révélateur. Dans la foulée, elle réussit ainsi ses débuts en ultra en remportant le Sparnatrail (56 km) et les 100 kilomètres Self-Transcendance de Paris. « Des coureurs considèrent qu’on est dans l’ultra dès que la distance est supérieure à celle d’un marathon. D’autres dès que c’est plus de 100 kilomètres. Je dirais que c’est dès qu’on passe une nuit dehors, une course qui dépasse les 12 heures », précise-t-elle.
Du coup, son baptême du feu en ultra se situe plutôt sur l’UT4M, en août 2017. « Une amie grenobloise m’avait incitée à m’inscrire. C’était une épreuve de 160 km (4 x 40 km, dans des massifs alpins différents). Jusqu’ici, je n’avais jamais couru de nuit ni en haute montagne ni en compétitions de plus de 10 heures. Une plongée dans l’inconnu. Le premier jour, j’étais arrivée en touriste avec des chaussures de running. Dans le matériel obligatoire, il était marqué qu’il fallait un pantalon et je pensais qu’il fallait que je le mette sur moi. Résultat, j’étais en pantalon long par 30° C et en running pour dévaler des descentes techniques ! J’ai eu l’impression que j’allais mourir… Mais j’ai bien aimé ». Elle termine alors cinquième féminine malgré ses erreurs de débutante. Et se découvre une passion ainsi dévorante pour le trail. Un coup de pouce du destin l’encouragera dans cette voie.
Finisher de la Diag’ puis de l’UTMB
« En 2018, j’ai gagné un dossard pour la Diagonale des Fous, grâce à Running Heroes. En courant 40 km chaque jour avec cette application, j’ai cumulé assez de points pour bénéficier de cette chance », relate-t-elle. En vue de ce rendez-vous, son programme a été chargé. Pas moins de 8 ultras.
« J’ai longtemps mené sur l’Eco-Trail de Paris (3e, en dépit d’une erreur d’aiguillage), remporté les 24h de la Sarra, fini 2e du 45 miles de Bristol. J’ai aussi commis des erreurs sur l’UT4M, où je n’avais pas assez mangé et pas pris soin de m’arrêter plus longuement aux bases de vie pour soigner mes ampoules », se souvient l’ultra-runneuse, qui bouclera les 165 km de la Diagonale des Fous en 49 heures. « J’avais connu un gros coup de mou au 50e km et mis 24h pour sortir du cirque de Mafate. Mais à l’arrivée, alors que moult concurrentes disaient ‘plus jamais ça !’, je me projetais déjà sur d’autres grandes courses ».
En 2019, un dossard élite lui est attribué pour participer à l’UTMB. Là encore, ce gros morceau de 171 km ne sera pas une fin en soi. Plutôt le guide ou l’étape. Elle finit en effet le MIUT à Madère, la Transgrancanaria puis le Lavaredo. Du coup, elle s’aguerrit ainsi dans les montées et s’affirme comme une descendeuse redoutable. « Sur l’UTMB, j’ai souffert d’un mal de hanche à partir de la mi-course. J’ai donc fini en marchant, comme j’ai pu. Mais j’ai vite récupéré et retrouvé la forme. Dans les six semaines suivantes, j’ai en effet remporté l’Infernal Trail des Vosges et les Templiers ».
Claire Bannwarth, invaincue sur la Backyard
Ouverte aux nouvelles expériences, Claire Bannwarth lorgne alors vers les Backyards. Ce format lui correspond parfaitement puisqu’il s’agit de courir le plus longtemps possible (un tour de 6,7 km chaque heure). Sa résistance au sommeil (jusqu’à 72h sans fermer l’œil), son estomac en béton, sa capacité à vite se ravitailler et sa parfaite gestion des allures ont été ses précieux atouts.
Résultat : en six courses, six victoires chez les féminines et cinq podiums au scratch ! Elle résiste durant 31 heures à la tempête à Strangford (Irlande du Nord), brave la canicule pendant 36 heures à Jegensdorf (Suisse), est près de battre tous les hommes à Kiev en 2019 et à Pavilly en 2020. Sur la Big Dog, support des Mondiaux 2020, l’Huninguoise surprend encore. « Pendant 26 heures, je finissais tous mes tours en dernière position. Je conservais à peine cinq minutes de marge par boucle. Alors qu’on pouvait croire que j’allais flancher, j’ai tenu bon pendant 41 heures, parcourant 275 km. Là, j’ai vraiment repoussé mes limites », confesse-t-elle.
Une année 2021 d’exception
Cet exploit, ajouté à sa seconde place sur la Swisspeaks (314 km dantesque en Suisse), l’extirpe de l’anonymat. « J’aimais bien arriver sur une course en étant inconnue. Les gens me regardaient, ne savaient pas qui j’étais et je grillais tout le monde. Ça faisait plaisir », dit la sociétaire du Team Brubeck / Raidlight. Désormais, les organisateurs l’invitent… et ne sont pas déçus. « Entre les invitations, les reports de course et les inscriptions de dernière minute, j’ai disputé un ultra par semaine, durant l’été dernier», explique Claire.
Et pourtant, son année 2021 n’a pas seulement exceptionnelle pour cette particularité. « J’ai battu le record de France du 24 heures sur piste (228,4 km), ce qui pourrait me conduire à une sélection pour les Championnats d’Europe de la spécialité, le 17 septembre prochain à Vérone. J’ai remporté, avec dix heures d’avance sur ma première poursuivante, la Transgrancanaria (NDLR : 126 km aux îles Canaries) et bouclé à trois semaines d’intervalle l’UTMB et le Tor des géants (330 km à travers la vallée d’Aoste) », énumère-t-elle. Enfin et surtout, elle s’est imposée au scratch (avec trois heures d’avance sur le premier homme !) sur la PT281, une Badwater à la portugaise. Irrésistible ! Le 13 mars, la traileuse a décroché sa vingtième victoire en ultra, à l’occasion de la Tarragona 360, un bloc de 330 km dynamité en 65 heures. Le 10 avril, elle a bouclé les 100 miles d’Istria by UTMB en 25h43″, 22e scratch et 6e femme. »Pas encore la grosse grosse forme mais y a du progrès après 3 mois galères à enchaîner pubalgie et périostite. Le week-end prochain, ce sera les 120km de l’Ultra du Pas du diable en récup. », commente-t-elle sur sa page Facebook. L’année 2022 commence plutôt bien.