Abderrazak Charik : « Courir les Jeux de Paris, ce serait tout un symbole pour moi »
Abderrazak Charik, 26 ans a explosé son record sur semi-marathon en 1h01’43’’ à Séville le 27 janvier. Le Dunkerquois sera au départ du Marathon de Séville ce dimanche 18 février, avec l’espoir de passer haut les minima olympiques. Le Dunkerquois, en forme pourrait bien créer la surprise…
CV sportif d’Abderrazak. 8 sélections en équipe de France, athlète ASICS, licencié au Racing Multi Action, 28’36’’ sur 10 km (Langueux, 2021), 1h01’43’’sur semi (Séville, 2024), champion d’Europe de cross par équipe en 2016 (junior), premier marathon en 2021 en 2h13 (Paris, 2021)
En octobre dernier, votre chrono en 2h08’35’’sur votre troisième marathon vous a fait entrer dans une nouvelle dimension…
« Oui, clairement, c’est ma plus belle performance, ma première course à niveau international. Ce chrono qui m’ouvre énormément de portes, j’en suis fier car j’ai eu tout ça à la sueur de mon front. Cela confirme mes choix et la trajectoire que j’ai prise. Et comme je suis jeune, c’est encourageant pour la suite ! »
Vous êtes passé à 25 secondes des minima pour les jeux de Paris 2024. Comment l’avez-vous vécu sur le coup ?
« C’est un peu frustrant, c’est sûr mais je ne suis pas du tout déçu de ma course car je n’avais aucune indication du temps que je pouvais réaliser à partir de 34e km, où le lièvre nous a lâché. Sur la fin, j’avais les jambes. Trois semaines après mon échec à Berlin, où j’étais parti trop confiant sur les bases de 2h06’, j’étais cette fois sur une allure que je me savais capable de tenir. J’avais écrit un chrono sur ma main juste en dessous des 2h09’. Je ne m’étais pas rendu compte que j’allais plus vite. Maintenant, je sais que je peux faire mieux. Les 25 secondes qui m’ont manquées, cela représente 130 mètres, c’est-à-dire presque rien. Il y avait de la pluie et du vent, le parcours n’était pas forcément le plus roulant à Amsterdam. Tous un tas de détails font que je n’ai pas pu m’exprimer à 100% pour l’instant sur marathon. »
La prochaine étape c’est donc ces minima sur le Marathon de Séville (18 février) en visant plus haut que le chrono de Félix Bour (2h06’46 ») actuellement troisième sur la liste…
« Oui. J’ai un coup à jouer mais il va falloir sortir un très gros chrono pour décrocher cette troisième place sachant que Morhad Amdouni, qui a un potentiel en 2h04-2h05, a l’air d’être en très grande forme. En tout cas, je pense qu’il y a vraiment moyen d’aller chercher mon record personnel à Séville. Si je termine entre 2h07’45’’ et 2h07’’, il n’y aura vraiment pas de quoi être déçu et je ne pourrais qu’être fier de moi. Après, si je fais un chrono sous les 2h07’, alors là, ce serait « waouh ». Mais je reste lucide, 2h06’, c’est une autre dimension. En tout cas, je ne me mets aucune pression, surtout que j’ai fait une préparation courte, sans cycle bien construit, sans stage en altitude. Mais j’ai confiance en mon travail. Je suis plutôt bien, après que vont donner mes jambes le jour J, je n’en ai aucune idée…
La préparation s’est bien passée ?
« En fait, j’ai fait une prépa en dernière minute. J’ai commencé mi-décembre pour courir mi-février, cela fait 8 semaines, c’est court. Au fil des semaines, je sentais que j’étais plutôt pas mal, que soit sur les sorties longues et les gros blocs le week-end, tout passait tranquillement. Du coup, j’ai décidé de m’inscrire en dernière minute sur le semi de Séville qui m’a bien rassuré sachant que je n’étais pas au top du top au niveau de la forme. »
Justement Abderrazak Charik, sur le semi de Séville, le 27 janvier, vous avez battu votre record de plus d’une minute en 1h01’43 ». C’est de bon augure en vue du marathon de Séville ce dimanche…
« Oui, ce chrono en 1h01′, c’était un peu la surprise. Quelques jours avant, je m’étais arrêté car j’avais une gêne au niveau du mollet donc j’avais une petite séance de rappel de vitesse le mercredi, et tout s’est bien passé. Cela me met bien en confiance pour le marathon de dimanche. Je partirais dans le groupe des 1h03’30 » au semi, en espérant courir à ce rythme jusqu’au 30ekm. J’ai déjà couru ce marathon l’an dernier (2h10’33 »), je viens de courir le semi de Séville, j’ai l’impression que c’est une ville qui me réussit bien.
Courir le marathon olympique à Paris le 10 août 2024 ce serait pour vous…
« Un rêve ! Les J.O, c’est le graal de tout athlète. Honnêtement, je n’y pensais pas lorsque j’ai commencé le marathon en 2021, mais c’est désormais mon objectif numéro 1 et ce serait une belle réussite pour moi. J’aimerai pouvoir me dire dans quelques années, tu peux être fier de toi, toi qui es parti de rien du tout. J’ai grandi en Algérie, je suis arrivé en France à 8 ans, j’ai dû m’adapter. Tout le chemin que j’ai fait, je l’ai construit tout seul. Ces Jeux à Paris, c’est aussi symbolique. Courir dans le pays qui m’a accueilli et le représenter serait une sorte de monnaie d’échange.»
Abderrazak Charik, revenons à votre démarrage sur marathon fracassant. Premier marathon à Paris en 2021 en 2h13’, deuxième à Séville en 2023 en 2h10’33’’, troisième en 2h08’35’’ à Amsterdam quelques mois plus tard. Qu’est-ce qui vous a fait passer des caps si vite ?
« Je n’ai pas changé grand chose côté entraînement depuis 2021. Je tourne entre 160 km et 200 km par semaine en douze ou treize entraînements. J’ai maintenant plus de temps pour m’entraîner car des partenaires m’accompagnent d’un point de vue financier. Et cela change beaucoup car je ne pourrais pas courir à ce niveau en travaillant ne serait-ce qu’à mi-temps.
Je sais aussi qu’une carrière d’athlète passe vite, alors je mets toutes les chances de mon côté. Je suis bien plus strict qu’avant sur la nutrition, le sommeil, la récupération. Je prends les conseils des champions autour de moi, je vais m’entraîner en altitude à Font Romeu ou bien au Kenya. Tout cela me permet d’être plus posé dans ma tête et de croire en moi. »
Qu’est-ce qui vous a fait basculer sur marathon en 2021 ?
« Je fais de l’athlétisme depuis l’âge de 13 ans. Du 1500 m, du 3000 m, du 10 000 m, du 10 km. J’étais assez solide sur semi (NDLR : record en 1h02’45’’ à l’époque, avant l’arrivée des chaussures en carbone), alors je me suis dit que le marathon devrait bien me convenir. Et c’est le cas, j’aime cette distance !
Mais je ne vais pas vous mentir, j’espérais aussi bénéficier d’un contrat en tant qu’athlète de haut niveau en me faisant un nom. L’athlétisme fait partie de mon quotidien, c’est même mon métier, mais je ne cours pas pour rien alors j’ai pris mon courage à deux mains, je me suis entraîné dur et mes efforts ont fini par payer. »
Désormais vous êtes professionnel en contrat avec Asics, soutenu par un nouveau club, le Racing Multi Action. Avant cela, votre quotidien d’athlète était plus compliqué…
« Oui, pendant des années, j’ai mis des euros de côté pour partir faire des stages de 4 à 5 semaines avec les meilleurs athlètes dans l’espoir de sortir une performance qui pourrait me permettre de monter en grade. Du coup, j’ai enchaîné plusieurs petites boulots, dans un kebab, une boucherie, comme serveur dans un restaurant de midi à minuit, avec des entraînements entre 9h-11h. C’était intense mais je n’avais pas le choix. Je n’étais pas fait pour les études, je me suis rapidement concentré sur l’athlétisme. »